Un peu d’histoire

Avant le XXe siècle,  Font-Romeu n’existe pas encore

Seul existe le village d’Odeillo occupé depuis le néolithique et qui s’est développé au Xe siècle. En contrebas du village, se trouvent quelques fermes qui forment le hameau de Via.

Bien au-dessus d’Odeillo se dresse plus tard, dans la forêt, la chapelle primitive de l’Ermitage (XIIIe siècle) et dont l’histoire est  à l’origine du nom de Font-Romeu : la fontaine (font) du pèlerin (romeu : celui qui se rend à Rome).

L’histoire de Font-Romeu est relativement récente

En effet, en 1903, quelques chalets sont construits au-dessus d’Odeillo.

En 1911, la « Société des Chemins de Fer et Hôtels de Montagne » décide construction d’un Grand Hôtel qui ouvrira ses portes en juin 1913. Son objectif est d’accueillir des vacanciers durant la saison d’été, mais aussi la saison d’hiver (ce dernier projet devra être remis à la fin de l’année 1921).

A la même époque on décide la construction de la ligne du Petit Train Jaune pour acheminer la clientèle de l’Hôtel et du barrage des Bouillouses qui fournira l’énergie pour l’électrification de la ligne.

Début 1921, après la Première Guerre, on assiste au lancement des sports d’hiver et la première remontée mécanique voit le jour en 1937, mais l’essor de la station n’interviendra qu’après la deuxième guerre mondiale, soutenu entre autre par la presse et le cinéma.

A en croire cette étude, l’enneigement n’est, à cette époque, pas source d’inquiétude :

Les Pyrénées orientales, jusqu’au Puymorens, apparaissent beaucoup plus enneigées que ne le laisserait supposer leur situation auprès de la Méditerranée. La hauteur annuelle est de 0 m. 40 à Prats de Mollo, à 743 mètres d’altitude; de 3 mètres à la Cabanasse, à 1.500 mètres d’altitude; de 3 m. 20 à Matemale, à 1.750 mètres d’altitude; de 3 m. 50 aux Bouillouses, à 2.005 mètres d’altitude. On remarquera l’augmentation régulière, presque proportionnelle des épaisseurs de neige avec l’altitude. Les principales chutes se répartissent sur cinq mois, de décembre à avril, avec un maximum de décembre ou janvier. Les jours de neige, pendant cette période, passent de 25 aux Bouillouses — bien entendu pour cinq mois — à 29 à la Cabanasse, à 31 à Matemale.

— R. Plandé, « Neiges et glaces d’aujourd’hui dans les Pyrénées »,  Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, tome 10,fascicule 2, 1939, p. 89.

On assiste alors au développement d’une infrastructure urbaine.

En 1967, l’ouverture du Centre National d’Entraînement en Altitude et du Lycée ainsi que du Four Solaire d’Odeillo vient compléter cette infrastructure urbaine.

 

La Cerdagne du néolithique au Traité des Pyrénées

Les premiers habitants de la Cerdagne étaient appelés les Kérétanis

Au IIe siècle avant J.C., les Kérétanis sont soumispar les Romains. Après les Romains, ce sont les Wisigoths qui occupent toute la péninsule ibérique et la Cerdagne.

Au VIIIe siècle, la péninsule ibérique et la Septimanie sont envahis par les Sarrasins.

Les hautes terres comme la Cerdagne ont procuré un refuge aux populations fuyant les razzias musulmanes.

Un lieutenant du gouverneur maure de Cordoue, Munuza, décide de créer en Cerdagne un territoire indépendant.  Le gouverneur d’Al Andalous conduit alors une expédition punitive contre Munuza, qui est battu et tué. Une légende veut que sa dépouille soit enterrée dans ce qui est maintenant l’église de Planés (sous toute réserve).

Engagés dans la conquête de la péninsule ibérique à partir de 711, les musulmans prennent Tarragone et Narbonne en 718 et ont poursuivi leur progression en Gaule, jusqu’au coup d’arrêt donné en 732 à Poitiers par Charles Martel. Refoulés vers le midi languedocien, ils conservent le contrôle de la Septimanie mais en sont expulsés par Pépin le Bref entre 752 et 760. La montée en puissance de la dynastie carolingienne pousse bientôt les Francs au-delà des Pyrénées. Ils forment alors ce qu’on appelle  « La Marche d’Espagne ». Leurs entreprises rencontrent davantage de succès à l’est des Pyrénées, les contes carolingiens reconquièrent en 789 les territoires de la Cerdagne et d’Urgel.

A noter : des tours de guets ont été édifiés par les carolingiens pour prévenir l’arrivée des sarrasins, dont un témoignage physique est la tour d’Egat :

Guifred le Velu et la formation de la Catalogne

Les notables locaux se dressent contre Louis le Pieux en 827 mais l’échec de la révolte marque la fin des espoirs de renaissance d’une entité politique wisigothique indépendante du souverain franc et de l’émir de Cordoue. Alors que Charles le Chauve se voit attribuer, lors du partage de Verdun de 843, la marche d’Espagne, le morcellement politique du monde carolingien facilite la formation, à partir de plusieurs comtés francs, de petites principautés territoriales qui fourniront ses premiers cadres politiques à l’espace catalan. Il s’agit des comtés de Cerdagne, Urgel, Besalù, Sobarbe, Ribagorza, Pallars, Gérone, Roussillon, Vich, Ampurias et Barcelone. L’autorité carolingienne se maintient cependant jusqu’en 878. C’est à cette date que Guifred le Velu – fils de Sunifred, comte de Barcelone, Gérone et Narbonne, devenu dès 870 comte d’Urgel, de Cerdagne et de Conflent – est investi du titre de marchio et se voit confier par Louis le Bègue les comtés de Barcelone et de Gérone. Jusqu’à sa mort, survenue en 897, Guifred accomplit une œuvre considérable. Il fait construire des forteresses comme celle de Cardona et organise le peuplement de la région du Vallès proche de Barcelone. Il encourage les fondations monastiques et obtient en 886 la restauration, à Vich, de l’évêché d’Ausone, disparu après la révolte sans lendemain de 827. L’avènement de Guifred constitue un moment important pour l’histoire de la région car c’est en 878 que les comtes sont nommés pour la dernière fois par les souverains carolingiens. À partir de cette date, la future Catalogne est virtuellement indépendante, les rois francs se contentant désormais d’entériner simplement les successions comtales, les différents pouvoirs locaux étant devenus de fait héréditaires.

En 1111, le comté de Barcelone s’agrandit de celui de Besalù, en 1117 de la Cerdagne et en 1132 du Roussillon.

La personnalité la plus remarquable du XIe siècle catalan demeure Oliba, un comte de Cerdagne devenu abbé de Ripoll en 1008, puis évêque de Vich en 1018. À l’origine de la fondation de l’abbaye de Montserrat, il est aussi, lors du synode de Toulouse de 1027, l’initiateur de la « trêve de Dieu » appelée, en se généralisant, à pacifier des mœurs féodales jusque là très brutales. Il développa aussi les abbayes de Saint Michel de Cuxa et de Saint Martin du Canigou.

Source : Philippe Parroy, Clio, Septembre 2000

La Cerdagne fut liée ensuite aux royaumes de Majorque aux XIIIe et XIVe siècles ou au roi de France en 1463-1493. Finalement, la Cerdagne fut partagée par le traité des Pyrénées (1659). L’Espagne gardait Puigcerda et Llivia en enclave.

La Cerdagne française joua sous l’Ancien Régime le rôle de marche militaire, dominée par la puissante citadelle de Mont-Louis (du nom de Louis XIV) créée par Vauban et qui domine les hautes vallées de la Têt, de l’Aude et du Sègre.

Août 1919 : Font-Romeu dans le Chicago Tribune

Comme en témoigne un élogieux article publié dans l’édition parisienne du quotidien américain The Chicago Tribune, le 4 août 1919, le séjour d’été à Font-Romeu est très tôt prisé d’une clientèle anglophone et, en particulier, de la communauté des touristes ou résidents américains à Paris.

Il est intéressant de remarquer que Font-Romeu est désignée comme l’une des plus belles « ville d’eaux » d’Europe de l’ouest, ce qui souligne que son essor répond au double objectif, médical et récréatif, d’une clientèle qui cherche à  changer d’air, se détendre et s’amuser.

A l’instar de bien d’autres stations thermales en France, Font-Romeu est, par ailleurs, une « ville d’eaux » sans ville à proprement parler :

De la Belle Époque à l’entre-deux-guerres, les stations thermales françaises sont en grande majorité des communes de taille réduite. Mais elles ont comme caractéristiques d’accueillir une population saisonnière nécessitant des équipements importants, notamment de loisirs, lesquels équipement peuvent sembler disproportionnés au regard de la population permanente.

Carribon, Carole. « Villes d’eaux, villes de loisirs. L’exemple des stations thermales françaises de la fin du XIXe siècle aux années trente », Histoire urbaine, vol. 41, no. 3, 2014, pp. 83.

L’article du Chicago Tribune s’adresse aux « businessmen » américains harassés de travail et nerveusement épuisés, preuve de la reprise du tourisme transatlantique dans notre pays et ce, alors même que la plupart des troupes du corps expéditionnaire américain envoyées en France  n’a pas été encore rapatriée aux Etats-Unis :

Il n’existe pas en France de havre plus pittoresque pour les amateurs du « retour à la nature » que Font-Romeu. Situé au centre de la région accidentée des Pyrénées appelée « Cerdagne française », ce lieu magnifique  possède un charme et un pouvoir de fascination qui en font rapidement l’une des stations les plus prisées d’Europe occidentale.

Son climat est un tonique qui ravive le regard  fatigué du citadin surmené. Ses forêts, ses vallées et ses lacs composent  un décor splendide qui ne manque pas de stimuler l’imagination et d’apaiser l’âme.

Située à 6 000 pieds d’altitude et à l’abri des vents froids du nord, Font-Romeu offre tous les avantages de l’Engadine sans les inconvénients du brouillard et de la pluie . L’air clair et rafraîchissant est une panacée pour presque tous les maux.

Chicago Tribune, 4/8/19

Il est quelque peu plaisant de constater que la comparaison avec l’Engadine, en Suisse, berceau de St. Moritz et réputée pour ses heures d’ensoleillement, est à la faveur de Font-Romeu.

La station est un point de départ privilégié pour les excursions dans la partie orientale des Pyrénées. De Font-Romeu s’élancent des groupes de cavaliers, de conducteurs et d’automobilistes pour explorer toute la Cerdagne. Les touristes sont ravis de faire l’ascension des sommets des Pyrénées méridionales, du Cambre d’Aze, du Puigmal et de se promener dans les belles vallées qui leur servent de décor. Celles-ci sont ponctuées par un chapelet de lacs charmants dont on ne trouve pas l’équivalent dans toute la France. Les Bouillouses, la Pradeille, le Lac Long-Lac Noir et le Lac du Racou ont séduit les milliers de visiteurs qui s’y sont rendus pour une saison ou un bref séjour en quête de tranquillité et pour changer d’air. Le lac Lanoux, serti dans un magnifique écrin de forêt, est un lieu tout à fait unique. En poussant vers l’ouest, on admirera le « Chaos de Targasonne » et, plus loin, Puygcerda, dans la Cerdagne espagnole.

Après avoir vanté le confort et l’élégance du Grand Hôtel, l’auteur de cet article détaille les activités pratiquées par les estivants :

Les sports favoris de Font-Romeu sont la pêche et la chasse. Les groupes partent tôt le matin avec un fusil ou une canne à pêche et passent toute la journée dans les collines et les vallées. Les nombreux petits cours d’eau (émissaires) des lacs argentés de la commune offrent un paradis au pêcheur heureux. Les bois regorgent de gibier et le chasseur y trouve un sport des plus passionnants. Le canotage* est un autre passe-temps agréable.

*sur le lac des Bouillouses

Et de conclure :

Si vous voulez vous délasser des soucis des affaires et de l’ennui du quotidien, rendez-vous à Font-Romeu. Les Pyrénées vous revigoreront et vous éclairciront les idées. Une semaine, c’est bien, deux semaines, c’est mieux, et si vous y restez aussi longtemps, vous ne voudrez plus en partir.

Parue une dizaine d’années plus tard, dans L’Atlantique, journal quotidien des Paquebots de la Compagnie générale transatlantique, cette autre publicité montre que le charme de la station opère toujours sur la clientèle américaine. Cependant, cette fois-ci, ce sont les plaisirs des sports d’hiver qui sont mis en avant.  Il est vrai que depuis 1921, la saison d’hiver bat son plein.

L’Atlantique, 22/10/30

Voir dans ce blog les articles dédiées au centenaire des sports d’hiver dans la station : ici.

L’action du Touring Club de France

Au début du XXème siècle, les associations et institutions touristiques nationales, comme le Club Alpin Français et le Touring Club de France, les syndicats d’initiative, les clubs de sports d’hiver et l’Armée ont contribué à promouvoir les sports d’hiver auprès des populations montagnardes. Elles ont ainsi favorisé leur acculturation et leur appropriation au niveau local

En effet, comme l’observe Bertrand Larique : Un peu partout dans ces années 1930, certaines fractions des communautés locales montagnardes vivent le développement des pistes de ski comme une dépossession des estives (ou alpages) et une concurrence pour l’usage des communaux.

Larique, Bertrand. « Les sports d’hiver en France : un développement conflictuel ? Histoire d’une innovation touristique (1890 – 1940) », Flux, vol. 63-64, no. 1-2, 2006, pp. 7-19.

Depuis sa fondation en 1890, le Touring Club de France axe ses activités sur le développement du tourisme. En ce sens, dès avant la guerre, il poursuit un objectif sensiblement différent de celui du Club Alpin Français. Pour ses dirigeants, le développement des sports d’hiver dans les massifs français est en effet le tremplin de celui du tourisme hivernal. Les efforts du TCF s’adressent donc à un public plus large que celui des sportifs et des alpinistes.

Les réalisations du TCF à Font-Romeu

La revue du TCF sert d’organe de propagande auprès du large public des touristes. Son rôle majeur dans le lancement des sports d’hiver à Font-Romeu est attesté par un article, publié dès janvier 1920,  qui promeut Font-Romeu au rang de station hivernale de haute altitude pouvant rivaliser avec les stations étrangères :

La revue du TCF, 1/1/20

La « Grande Semaine d’Hiver des Pyrénées » dont il est question dans le dernier paragraphe de cet article fait référence aux « Grandes semaines d’hivernage », pensées par le TCF dès 1908, qui participent efficacement à l’effort d’information et de publicité auprès du public. Ce dispositif prend la forme d’une caravane itinérante regroupant des centaines de touristes enthousiastes qui se retrouvent ponctuellement en un lieu pour en démontrer l’intérêt économique. Pour le TCF, il s’agit aussi de se rapprocher des populations montagnardes pour les convaincre de se convertir au tourisme hivernal.

L’article rend ainsi compte d’une précédente Grande Semaine d’Hiver des Pyrénées en soulignant l’importance du chemin de fer (qui rapproche la montagne de la population) et donc, bien entendu, le rôle joué par la Compagnie des Chemins de Fer du Midi, principal acteur de la construction du Grand Hôtel de Font-Romeu.

Diffusion des calendriers des concours et championnats

La revue du TCF relaie également les nombreux concours et championnats organisés par les divers clubs des sports locaux et nationaux. En témoigne cet impressionnant calendrier pour le seul mois de janvier de l’année 1927 :

La Revue du TCF, 1/1/27

Construction de refuges

Toutefois, les efforts du TCF en matière de promotion des sports d’hiver, et notamment du ski,  passent aussi par la construction de refuges et l’implantations de stations météorologiques qui collectent des données pour alimenter des bulletins d’enneigement diffusés à l’échelle nationale et internationale.

Le refuge Gaston Combeleran (ou refuge des Bouillouses)

Grâce au soutien de Gaston Combeleran, secrétaire général de la fédération des syndicats d’initiative Pyrénées-Languedoc-Roussillon et administrateur du TCF, un refuge est aménagé aux Bouillouses par le TCF, à l’emplacement d’une ancienne cantine élevée en 1910 à l’usage des ouvriers qui ont construit le barrage,  pour servir d’abri ou de camp de base aux randonneurs à ski.

De 1922 à 1981, ce refuge est géré par le TCF (voir archives du Touring Club de France).

Le refuge, équipé de 41 couchages prend en 1933 le nom de Gaston Combeleran (sur proposition de M. Saltraille, motion adoptée, voir La Dépêche du 17/6/33).

En 1927, M. Roger en est le concessionnaire, puis en 1928,  M. de Haut. De 1929 à 1946, sa concession est assurée par Jacques Mir.  De 1946 à 1949, le refuge est géré par M. Van Thiegem. De 1950 à 1957 M. Pujol et son épouse prennent la gestion, assurent la restauration et poursuivent l’équipement des locaux. De 1957 à 1987, M. et Mme Mitjaville en sont les gérants. Les améliorations se poursuivent.

Le TCF cesse ses activités en 1981. En 1982, le Syndicat touristique du Capcir obtient de la  SNCF le droit de poursuivre les activités. Le Club Alpin Français, réalise les travaux de rénovation de 1982 et 1987, et prend la gestion en 1987. Le refuge est tenu par M. Jean Viguier. Depuis février 2018 la gestion du refuge des Bouillouses est passée du CAF à la Communauté de communes Pyrénées Catalanes qui en est le propriétaire depuis plus de 30 ans. Actuellement en travaux, le refuge est fermé depuis 2019.

Voir notamment : Jean Viguier, Jean Daccord, et Pierre Claverie, « Le Chalet-refuge des Bouillouses », Revue pyrénéenne / Section du Sud-Ouest du Club alpin français et Ski-club bordelais, 1997-04, p. 3-4.

Cet article (2è page de celui reproduit ci-dessous) nous montre le refuge en 1939. La légende précise que M. Mir, gérant du chalet, fait concurrence à Paul-Emile Victor : il a lui aussi un traîneau attelé de chiens.

Autour du chalet TCF des Bouillouses – janvier 1939. Chalet-refuge installé au Roc de la Calme. Ski-touring : organe du Groupe des skieurs du Touring-club de France, 1/1/39, p. 7.

Une station météorologique est également implantée à proximité du refuge.

Le refuge du Roc de la Calme

L’article reproduit ci-dessous indique également qu’en 1939, en hiver, le refuge des Bouillouses n’est encore accessible qu’à ski :

Le CHALET REFUGE T.C.F. GASTON COMBELERAN est situé dans le canton de MONT-LOUIS (P. O.) dans la commune des ANGLES, au bord du LAC DES BOUILLOUSES, à 2.000 m. d’altitude. De bonne heure isolé par les neiges, il n’est accessible qu’à skis.

mais l’auteur précise que la route la plus courte est :

celle qui part de Font-Romeu et passe par le pic de MONT-CALME. Elle ne demande que trois ou quatre heures de marche et elle est facilitée depuis cet hiver par l’existence de deux monte-pentes qui conduisent le skieur de Font-Romeu au pied de la Calme.

L’article signale également que :

Le Syndicat d’initiative de Font-Romeu a installé au Roc de la Calme un bon
refuge qui constitue une halte agréable et où l’on peut se restaurer à l’abri, et près d’un bon feu. La descente du Roc est assez ardue. Toutefois, par des coulées favorables les skieurs atteignent rapidement le bas de cette pente. Du sommet, ils aperçoivent déjà, au loin, le châlet du T. C. F. Au pied de la Calme et sur la lèvre ouest de l’étang gelé de Pradeilles, on rencontre une baraque de pâtres où l’on peut trouver un abri en cas de mauvais temps. Enfin, par le plat des Bonnes Heures, presque en palier,on atteint l’excellent chalet qu’on a toujours devant soi, comme guide.

Autour du chalet TCF des Bouillouses – janvier 1939. Chalet-refuge installé au Roc de la Calme. Ski-touring : organe du Groupe des skieurs du Touring-club de France, 1/1/39, p. 6.

On trouve une brève mention de ce refuge dans Font-Romeu Fa Temps (Casa Nostra, 2009, p. 101), sous la plume de J-M Rosenstein :

En 1933, fut construit le refuge du ESSI à « La Calma ». tout le toit avait été porté soit à dos d’hommes, soit par luges en venant de l’Eritage par étapes dans un mètre cinquante de neige !

Ce refuge est-il celui que nous connaissons actuellement, situé sur le plateau de la Calme  et d’où l’on jouit d’un magnifique point de vue panoramique sur notre belle Cerdagne ? Un complément de recherche est nécessaire pour pouvoir l’affirmer.

Le déneigement des routes

Le concours de chasse-neige de 1931

Enfin, le TCF a également joué un rôle important en matière de déneigement des routes, en organisant en Cerdagne, du 15 au 19 février 1931, le 2è concours de chasse-neige  (le 1er avait eu lieu dans les Alpes en 1929).

L’enjeu était de taille car, comme le rappelle un article paru dans la revue du TCF, il s’agissait d’assurer la liberté de circulation dans les zones montagnardes enclavées. L’importance de cette dernière était donc non seulement touristique, mais sociale, économique et militaire.

L’article détaille les prouesses des appareils en lice (des chasse-neige légers, semi-lourds ou lourds de marque Latil, Citroën-Viking-Kergresse ou Crosti-Pavesi).

Les remerciements placés à la fin du texte citent les noms des principaux acteurs du développement de la station, notamment la Compagnie des Wagons-Lits, la Compagnie des chemins de fer du Midi, la Compagnie des chemins de fer de Paris à Orléans, la mairie d’Odeillo-Font-Romeu en la personne de Fernand Bouyonnet, le délégué du TCF, M. Saltraille et le chef du bataillon  Lacassie ainsi que les officiers et sous-officers du centre de ski de Mont-Louis.

Voir à ce sujet l’article suivant (accessible à partir du lien en bas de page).

En outre, une photographie prise par Paul Goudin, photographe installé à Font-Romeu, illustre la couverture de ce numéro :

Revue du TCF, 1/1/31, Gallica

A suivre : Les autres acteurs de l’essor des sports d’hiver

1921-2021 : Quelques repères temporels

Vers 1865 :

La saison touristique d’hiver voir le jour en Suisse, à Davos et St Moritz.

1874 :

Création du Club Alpin Français

1878 :

H. Duhamel réalise les premiers test de ski

1890

Création du Touring Club de France

1912-1913 :

La CHM ouvre deux stations d’altitude en site vierge, Font-Romeu et Superbagnères

20 juillet 1913 :

Inauguration du Grand Hôtel et annonce du lancement de la saison d’hiver.

16 juin 1918 :

Réouverture du palace

1921 :

3 novembre : naissance officielle de la Fédération Française des Sports d’Hiver

28 décembre  : lancement de la première saison d’hiver à Font-Romeu, largement relayé par la presse.

1922 :

Concours de » voitures à neige » Citroën à propulsion Kergresse-Hiltin organisé aux alentours du Grand-Hôtel

Le TCF aménage le refuge des Bouillouses (refuge Gaston Combeleran)

Jeux de 1924 :

Le ski est promu discipline olympique.

Création de la Fédération Française de Ski.

Création du Club de Curling de Font-Romeu.

21 mars 1925 :

Création de la première piste de ski votée par le conseil municipal.

Jusqu’en 1926 : amélioration des  pistes de luge et de bobsleigh.

1926 :

La piste de bob de Font-Romeu, une des plus rapides de France, mesure 1 360 mètres. ; celle de luge faisait 1 100 mètres.

 1931 :

15 au 19 février :2è concours de chasse-neige organisé sous l’égide du TCF.

22 avril : fondation du ski-club Font-Romeu-Carlitte.

1932 :

Première année du ski populaire. Les citadins se rendent en nombre à Font-Romeu le dimanche et skient sur « le Pla de l’Ermitage » et les pentes du « Mazerat ».

1936

Création du Ski-Club de Font-Romeu grâce à l’aide du Ski-Club Catalan

20 décembre 1936

Pierre Giralt, premier moniteur diplômé de la Fédération Française de Ski, donne la première leçon de ski.

1937 :

Création du premier remonte-pente qui part du Pla de l’Ermitage et monte les pentes du Mazerat. Un autre téléski est construit à proximité et montera jusqu’au bas du Gallinera.

20 décembre 1938 :

Ouverture offiicielle de l’école de ski de Font-Romeu.

Janvier 1939 :

Construction d’ un chalet-refuge au Roc de la Calme

Après-guerre : la concession des deux remonte-pentes est confiée à Paul Ribeil.

27 juillet 1946 :

2 nouvelles remontées mécaniques sont construites au Gallinera Sud.

Le ski-club de Font-Romeu devient le premier des Pyrénées.

1952-1953 :

Aménagement de pistes au Gallinera nord. Une nouvelle route est construite pour amener les skieurs directement au Gallinera sud. Les pistes montent à une altitude de 2 128 mètres

Le chalet de « La Poule au Pot » offre aux skieurs des « bouillons de poule », très appréciés avant de se « lancer à l’assaut » des diverses pistes sud et nord.

1968 :

Création du Centre National d’Entraînement en Altitude et de la patinoire olympique couverte.

1976 :

Mise en service de la télécabine des Airelles qui relie le centre-ville de Font-Romeu aux Airelles (Gallinéra Sud).

Début des années 2000 :

la gestion de ce domaine du domaine de ski de Font-Romeu et de Pyrénées 2000  est confiée à l’entreprise Altiservice

Des élégantes dans la poudreuse

Aux élégantes en vacances hivernales dans les stations huppées au cours des années 20 et 30, les catalogues de vêtements de sports d’hiver, comme celui de la Firme Tunmer par exemple,  proposent un choix de tenues inspirées des coupes masculines et militaires.

Coupes sportives, coloris sobres et tissus résistants

L’objectif est de procurer une grande liberté de mouvement. Aux blancs et aux pastels, qui semblent bien ternes comparés à l’éclat de la neige, on préfère les teintes foncées. les tissus sont imperméables et solides, souvent égayés d’un accessoire de couleur vive, ou d’un col ou d’une chemisette en flanelle ou en soie.

Pour le ski, on prise  ainsi les culottes de marche, pantalons norvégiens, knickerbockers, jupes amples à godets ou serrées au-dessus du genoux et blouses droites  boutonnées ou fermées par une fermeture Eclair, en coton, drap, cordscrew ou whipcord. La palette va du beige et du havane au noir, en passant par le vert, le rouge et le marine.

Pour le patinage, on préfère les ensembles trois ou cinq pièces composés de jupes amples à godets, culottes bouffantes serrées aux genoux, jumpers en tricot, pulls échancrés, écharpes et bonnets. Les coloris sont bicolores (noir et blanc, bleu et beige, brique et beige). Le bonnet en chamaline de laine, chaud et confortable, peut être jade, jaune, blanc ou brique.

Gros plan sur les sportswomen du Grand Hôtel de Font-Romeu: un vestiaire contrasté, entre tenues de sport et toilettes de soirée

Cet article paru dans le journal Excelsior du 8 février 1927  nous informe sur les mœurs vestimentaires des sportswomen qui séjournent au Grand Hôtel :

C’est la saison des sports blancs. A Superbagnères, à Font-Romeu, la vie active bat son plein. Dix-huit cents mètres d’altitude, dans les neiges! Ici, un village charmant, entouré de profondes sapinières toutes givrées; là, un vaste plateau immaculé. Un seul et magnifique palace s’y élève, immédiatement entouré par les patinoires, les champs de ski, les pistes de bobsleigh, qu’encadrent des cimes neigeuses crevées par les roches aiguës des hauts pics pyrénéens.

La même vie d’élégance règne ici et là. Elle se résume ainsi : vie sportive tout le jour, vie mondaine le soir.

Deux types de costumes seulement : vêtements de sport, toilettes de soirée. La femme est muée en « homme », de 8 heures du matin à 8 heures du soir. Elle déjeune, danse, goûte en costume de skieur, les joues roses, le nez souvent brillant, les tempes et la nuque rasées, et si libre, si dégagée d’allure, portant si crânement les grosses chaussures cloutées et le pantalon, que l’on ne sait guère distinguer qui est l’homme, qui est la femme.

Excelsior, 8/2/27

Et le jeu, le jeu nouveau — à chaque saison — est de rechercher, de reconnaître, sous ces deux aspects si différents, la femme entrevue le jour en culotte et sans poudre, et la même retrouvée le soir, fardée et toutes perles dehors !

Car, le soir, on redevient femme avec délices!

Des mousselines, des lamés, des diamants, des mules à la Cendrillon! Plus
de joues trop brillantes, ni de mèches folles, ni de doigts rouges!… Ainsi que le jour, d’ailleurs, «la débauche des couleurs atteint son paroxysme. Les roses, es bleus, les jaunes pastels, les rouges vifs et les verts pâles étincellent sous les globes électriques comme sur la
grande plaine blanche ensoleillée.

-Excelsior, 8/2/27, n.p.

Et quand les créateurs s’en mêlent…

Dès le milieu des années 2O, des créateurs comme Jean Patou ou Elsa Schiaparelli s’intéressent aux vêtements de sport.

L’élégance des hivernantes n’en est que magnifiée.

Sur cette autre illustration parue dans le journal féminin Les Modes, au début 1924, on apprend ainsi que cette robe « Zig-Zag » (photo de gauche) a été portée à Font-Romeu.

Les Modes- 1er janvier 1924

A suivre : L’action du Touring Club de France

Les premiers sports d’hiver

Font-Romeu est l’une des toutes premières stations de sports d’hiver créées en France.

Un bref rappel du contexte :

La saison touristique d’hiver en montagne apparaît en Suisse, à Davos et Saint-Moritz, vers 1865. Pour occuper les visiteurs, des loisirs hivernaux sont proposés, initiant ce qui sera progressivement regroupé sous le vocable de sports d’hiver (patinage, luge, skeleton, bobsleigh, hockey sur glace, ski nordique). Cette saison hivernale gagne lentement la Suisse occidentale puis au début du xxe siècle la France, dans les Alpes (Chamonix et Aix-Mont-Revard), les Pyrénées (Cauterets, Eaux-Bonnes, Luchon), le Massif-Central (Mont-Dore) et les Vosges (Gérardmer).

— de Bellefon, Renaud, et Steve Hagimont. « De la montagne paysanne à la montagne sportive et professionnelle. Des Pyrénées aux Alpes, fin XIXe siècle-années 1960 », (Ensa, PU Grenoble, 2015, p. 291)

Des sports pratiqués aux débuts de la station, le ski nous semblera sans doute le plus familier du fait sa pratique qui, jusqu’à nous jours, n’a cessé de s’étendre à toutes les couches de la population. D’autres, à présent méconnu ou oublié, ont connu avant-guerre une histoire glorieuse. C’est le cas du bobsleigh, qui bénéficiait alors d’une forte considération, grâce à l’excellence des équipages français. D’autres encore, comme le skeleton ou le gymkhana paraissent aujourd’hui insolites. On sera également peut-être surpris de voir que l’automobile a joué un rôle non négligeable dans l’essor des sports d’hiver.

Le ski

Si le ski est devenu l’activité emblématique des sports d’hiver, sa pratique dans les années de l’entre-deux-guerres diffère beaucoup de celle que nous connaissons aujourd’hui.

La clientèle du Grand Hôtel a ainsi la possibilité de faire des excursions à ski, soit à proximité immédiate de l’hôtel, soit un peu plus haut, vers l’Ermitage. À cette fin, on utilise un traîneau tracté par une « auto-car », après avoir dégagé la route avec un « tank-chasse neige ». En l’absence de remonte-pente, la montée s’effectue à ski.

La technique du skieur est alors assez intuitive. Il s’agit surtout d’éviter les arbres et autres obstacles pour s’arrêter tant bien que mal au bas de la pente, le plus souvent en se laissant tomber !

Le Monde illustré, 8/1/21, p. 24-25

Pour améliorer la technique des skieurs novices, l’hôtel met à la disposition de ses clients des moniteurs venus de Suisse ou d’Autriche, qui font figure de pionniers de la discipline. Sur ce point, Font-Romeu adopte la même politique que dans les stations des Alpes :

[…] le rôle des professeurs étrangers est longtemps prépondérant. […] dans les plus grandes stations, comme Chamonix, Megève, Superbagnères ou Font-Romeu ce sont des Norvégiens, des Autrichiens, des Suisses ou des Italiens qui servent comme professeurs et moniteurs de ski, grâce à leur réputation qui sied à ces stations huppées, que ce soit pour le ski nordique ou le ski alpin (avec la méthode générique de l’Arlberg).

de Bellefon, Renaud, et Steve Hagimont, id., p. 292

 Certains de ces professeurs de ski, comme Rudolph Alb, venu d’Autriche, choisiront de s’installer dans la station.

Un film de quelques minutes tournée en 1930 et conservé à la Filmoteca de Catalunya montre un groupe de skieurs (hommes et femmes) plus expérimentés, appartenant sans doute à un club de Cerdagne, montant à travers une forêt avant de s’élancer sur les pentes. :

https://www.memoirefilmiquedusud.eu/idurl/1/1803

Les amateurs de randonnées en forêt peuvent aussi faire du ski-attelé, ancêtre du ski-joëring.

Le Monde illustré, 8/1/21, p. 24-25

Quant à la tenue des skieurs, elle se compose d’un pantalon et de longues chaussettes, ainsi que des souliers ferrés que l’on attache aux skis au moyen de sangles. Cette page extraite d’un catalogue d’une firme parisienne en donne un aperçu :

Vous pouvez tous faire comme nous… [catalogue sports d’hiver 1931] : [catalogue commercial]
Tunmer (Firme) (1931) Source : Isidore

Sur la patinoire

Par ailleurs, le Grand Hôtel de Font-Romeu dispose d’une grande patinoire extérieure où amateurs et professionnels évoluent de jour comme de nuit, et qui sert de cadre à des démonstrations, des concours et des galas.

On y pratique aussi le patinage de vitesse, le hockey, le curling et le gymkhana (course d’obstacles chronométrée au parcours compliqué).

Le Monde illustré, 8/1/21, p. 24-25

800 mètres de glisse !

Une piste de 800 mètres aménagée à proximité du palace permet également aux premiers hivernants de s’initier aux joies de la luge et du bobsleigh jour et nuit.

Ces loisirs se développent notamment à travers l’organisation de concours de niveau national ou par le biais de démonstrations par des équipes venues de Suisse ou de Norvège.

Photo course de bob de l’agence Meurisse datant de 1922

Les pistes de luge et de bobsleig (désigné par le diminutif bob, tandis que ses adeptes sont appelés les « bobbeurs ») ont été constamment améliorées jusqu’en 1926.

A cette date, la piste de bob, l’une des plus rapides de France, mesurait 1 360 mètres de long, tandis que celle de luge atteignait une longueur de 1 100 mètres. Cette réalisation offrit la possibilité aux sportifs d’accéder au champ de ski de « La Calma ».

Sports de neige et de glace, 8/1/24, p. 117

Cependant, la luge n’est pas que l’affaire des champions, comme on peut le voir sur ce petit film de quarante secondes, conservé à l’Institut Jean Vigo, qui montre une famille d’hivernants dans la station à la fin des années 20-début des années 30 :

https://www.memoirefilmiquedusud.eu/idurl/1/1648

Plus surprenant….

Certains seront peut-être surpris d’apprendre que la conduite sur neige compte déjà parmi les pratiques sportives hivernales. De très beaux clichés de l’Agence Meurisse, réalisés en 1922, témoignent de cet engouement pour la modernité :

Les voitures équipées de chenilles et de patins amènent les touristes sur « les champs de sport ». Agence Meurisse – 1922. Source : BnF

Mais de quoi s’agissait-il au juste ?

Un coup d’œil à la presse de février-mars 1922 nous informe de l’organisation d’un concours de « voitures à neige » organisé en février par l’Automobile-Club de France, avec le concours du Touring Club de France et du Club Alpin Français. La première partie se déroulait sur trois journées dans les Alpes et la seconde, dans les Pyrénées, sur trois journées également, de Vernet à Quillan, en passant par Font-Romeu.

L’objectif était de démontrer que ces voitures, des Citroën équipées de chenilles en caoutchouc, de patins et du système de propulsion mis au point par l’ingénieur Kergresse (aussi appelé propulseur Kergresse-Hilstin), pouvaient être un précieux adjuvant au tourisme et aux sports d’hiver en venant à bout des routes non-déneigées.

Rappelons en effet que le Font-Romeu est une station construite, promue et exploitée par une société privée (la CHM). L’État n’intervient pas directement et l’accès ne se fait pas par la route, mais par le chemin de fer. Ce concours de voitures à neige revêt donc d’une importance cruciale pour la pérennité de l’activité touristique hivernale.

Un témoignage nous permet de mieux visualiser cette expérience :

Ayant pris place dans une Citroën 10 HP (autrement dit, le premier modèle conçu par André Citroën, lancé en 1919) en compagnie d’Emmanuel Brousse et du délégué du ministère de la guerre, le commandant d’état-major Bourgoin, Jean Paul, le dirigeant de la Société des chemins de fer et hôtels de Montagne aux Pyrénées (ou CHM, filiale de la Compagnie des chemins de fer du Midi) livre ses impressions dans un article paru dans L’Indépendant des Pyrénées-Orientales, le 21 février 1922 :

[M. Rosengart] nous fit aussitôt dévaler au bas d’un talus à inclinaison invraisemblablement rapide qui se trouve tout proche du Grand Hôtel. Nous plongeâmes comme dans le vide, la voiture évolua dans un cercle des plus restreints, puis remonta le talus, s’agrippant de toutes les aspérités de sa chenille à la neige que les patins dont elle est munie à l’avant avaient commencé par fouler.

Il vante ensuite le propulseur Kergresse :

Nous avons franchi des trous, traversé des ruisseaux, évolué entre les pins de la forêt sans un accident, sans un incident, sans une seconde d’appréhension.

La conclusion de Jean Paul nous rappelle l’impact du conflit mondial sur les évolutions techniques en matière d’automobile et les aspirations à la paix de la population :

Et c’est bien un prodige, en effet, c’est bien une conquête inespérée du cerveau humain que l’invention de ce dispositif ingénieux qui va permettre à nos populations montagnardes de ne plus être jamais bloquées, jamais privées de communication avec le reste de la collectivité civilisée ; qui va permettre, en outre, d’explorer les déserts de sable autant que les champs de neige. Les tanks de la paix répareront le mal fait à l’humanité par les tanks de la guerre.

— Jean Paul, « Impressions d’un chenilliste », L’Indépendant des Pyrénées-Orientales, 21 février 1922

Cliché Agence Meurisse, 1922, Gallica

A suivre : Des élégantes dans la poudreuse

1921 : le lancement de la saison d’hiver

A l’orée du siècle

Rappelons brièvement qu’en 1903, quelques villas sont construites sur les pentes qui s’étagent au-dessus du village d’Odeillo autour du lieu-dit, le Recaut (ou ruisseau d’en haut).

Elles sont la propriété d’une clientèle urbaine et fortunée résidant à Perpignan, Barcelone, Toulouse ou Paris et ne sont habitées qu’à la belle saison.

L’hiver, le village se referme autour de sa population.

Odeillo-Font-Romeu, 1905-1925, collection Estampes et Photgraphies, BnF

En 1910, on lance la construction du Train jaune et du barrage des Bouillouses qui fournit l’électricité nécessaire au fonctionnement de la ligne. Dans le même temps, la Compagnie des Chemins de Fer du Midi finance la construction d’un palace, inauguré en 1913.

Voir l’article sur le Grand Hôtel dans ce blog.

Un lieu de villégiature d’emblée pensé pour la saison d’été…

Dès son lancement, Font-Romeu rejoint le nombre des villégiatures de montagne réputées pour les bienfaits de leur climat et la beauté de leurs paysages.

L’été, cette clientèle select profite de tout le confort moderne, ainsi que des attentions d’un nombreux personnel. Un orchestre, une salle de bal, un casino, des salles de spectacles et divers équipements sportifs (courts de tennis, parcours de golf…) lui assurent foule de divertissements.

… et celle d’hiver

Toutefois, la direction du palace décide d’emblée que l’établissement doit également ouvrir ses portes en hiver pour accueillir une clientèle férue de sports d’hiver.

Un projet mûri de longue date

En témoigne un article paru dans Le Petit Oranais en date du lundi 4 août 1913. Cet article, commandé par la Compagnie des Chemins de Fers du Midi pour annoncer l’ouverture récente du Grand Hôtel, « lance » déjà la saison d’hiver :

Tandis que l’été, les hôtes de Font-Romeu jouiront des charmes de leurs excursions sans cesse variées, ils trouveront, en hiver, d’immense champs de neige et de glace appropriés à tous les sports. Pendant une longue période, la neige recouvre le plateau de Font-Romeu, des pentes favorables aux courses de lugges [sic] et en bobsleighs offriront aux amateurs des sports d’hiver l’embarras du choix pour se livrer à leurs exercices dans tous les environs de Font-Romeu.

Le Petit Oranais, Chemins du Fer du Midi, « Font-Romeu (Pyrénées-Orientales) Ouverture 20 juillet 1913 »,  4/8/13, n.p.

Un an plus tard, jour pour jour, la déclaration de guerre interrompt brutalement l’activité du palace.

Il faudra attendre 1919 pour qu’elle reprenne, toujours à la belle saison.

Lancement officiel de la saison d’hiver

Toutefois, au cours de l’hiver 1920-21, Font-Romeu connaît un tournant qui va s’avérer décisif pour son avenir.

Emmanuel Brousse, alors ministre des finances et originaire de la Cerdagne décide, avec le soutien de la population d’Odeillo, de lancer les sports d’hiver à FOnt-Romeu.

Le 28 décembre 1920,  le coup d’envoi des sports d’hiver est donné dans le cadre somptueux du Grand Hôtel.

L’événement est relayé par la presse nationale. Ainsi, dans le Miroir des Sports du 6 janvier 1921, Gabriel Hanot signe un article élogieux et magnifiquement illustré de photos qui rend compte de la semaine de sports organisée à l’occasion du lancement de la première saison d’hiver :

SITUÉ dans les Pyrénées-Orientales, non loin de la frontière espagnole et des enclaves de Livia et d’Andorre, en pleine montagne, à 1 800 mètres d’altitude, sur la pente de la grande forêt de sapins qui domine le haut plateau de la Cerdagne française, Font-Romeu, qui était jusqu’à présent, exclusivement une station climatique d’été, vient d’inaugurer il y a huit jours, sa première saison de sports d’hiver. 

Cet article est illustré d’une magnifique photographie panoramique découvrant tout le haut plateau de la Cerdagne sous la neige :

Le Miroir des Sports, 6/1/21, Vue panoramique de Font-Romeu

Hanot poursuit :

Afin de retenir les Français et d’attirer les étrangers dans la France qui commence à peine à s’éveiller à la vie touristique, afin aussi de montrer que notre pays est aussi capable que n’importe quel autre de posséder des stations d’hiver convenables, la Société des Chemins de Fer et Hôtels de montagne aux Pyrénées a résolu de contribuer à la pratique des sports d’hiver dans les montagnes du Sud de la France en créant, au Grand Hôtel de Font-Romeu, une patinoire et une piste de 800 mètres qui sera du reste incessamment allongée et améliorée, pour luges. Sur cette patinoire, aménagée devant la terrasse de l’hôtel, le champion de France de patinage sur glace Pigneron et les excellents patineurs Magnus et Sabouret se sont livrés, mardi dernier, à de belles exhibitions et à un concours de figures très réussi.

Le Miroir des Sports, 6/1/21, BnF Gallica

Un skieur a donné une démonstration de ski- skoring, c’est-à-dire de ski attelé. Et les skieurs ont pu s’en donner à cœur joie sur les immenses champs de neige environnants.

Le Miroir des Sports, 6/1/21, BnF Gallica

Font-Romeu est la dernière conquête du tourisme français, d’été et d’hiver.

– Gabriel Hanot, L’INAUGURATION DE LA PREMIÈRE SAISON DE SPORTS D’HIVER, A FONT-ROMEU, DANS LES PYRÉNÉES, le Miroir des Sports, 6/1/21, p. 12)

Photo de Font-Romeu de l’agence Meurisse de 1921.

A suivre :  les premiers sports d’hiver pratiqués dans la station

Cent ans de sports hiver à Font-Romeu

1921-2021 :

Cent ans de sports hiver à Font-Romeu

 

Un skieur sur le champ de neige au-dessus de Font-Romeu, dans les années 20

A l’occasion de ce centenaire, nous nous proposons de revenir dans cette rubrique sur les aspects les plus saillants de l’essor des sports d’hiver dans la station.

Quels en furent les principaux acteurs associatifs ou institutionnels ? Quels sports étaient alors pratiqués de manière ludique ou compétitive ? Comment la mode s’est-elle adaptée aux nouveaux besoins vestimentaires de la clientèle féminine de la station ? Comment fut résolue l’épineuse question du déneigement des routes et de l’accès à la Cerdagne ?

Voici les questions que  nous aborderons, sans autre prétention que celle d’informer, essentiellement  par le biais de la presse et de témoignages iconographiques et filmographiques.

Bonne lecture !

Font-Romeu, 1924, Gustave Leduc. Médiathèque de Roubaix. Source : Isidore

Quand Llivia était capitale de la Cerdagne

Quand Llivia était capitale de la Cerdagne.

Source : wikipedia Llivia.

Jusqu’en 1177 Llivia est la capitale de la Cerdagne. Elle a depuis perdu ce titre au profit de la ville de Puigcerda. Nous développerons ce point plus loin.

Llivia a une histoire pluri millénaire. On sait que, déjà, 3000 ans avant Jésus- Christ, Llivia était peuplée. Son nom initial était Kerre  qui désigne une chaîne montagneuse, ou rocher. Le nom de Cerdagne vient de là : Cerdagne, Ceretania, Kerretania, Kerre. A les Queres, on a trouvé des haches en pierre polie et d’autres outils, ainsi que de la poterie. À la colline du château de llivia, on a trouvé des pièces de l’âge du bronze et à Les Feix de la Colomina à Dorres de la poterie du deuxième âge de fer cerdane. Llívia a été peuplée sans interruption dès la fin de l’Âge du Fer.

On retrouve Llivia dans la mythologie grecque et dans le mythe de la création des Pyrénées. En effet, la légende raconte que le demi-dieu Héraclés, revenant de l’île d’Erythie (île mythique située aux confins du monde connu tout au sud de l’actuelle Cadix, qui était le domaine de Géryon, géant à trois corps), après avoir volé les taureaux de Géryon, a choisi Llivia pour se reposer et y a construit une ville (d’ailleurs Héraclés préside les armoiries de la ville de Llivia). Héraclés séduit Pyrène. Celle-ci, désespérée de son départ, s’enfonça dans les forêts et fut tuée par des bêtes sauvages. Lorsque Héraclés revint à Llivia, il lui éleva un tombeau dont on a fait les Pyrénées.

On sait qu’ Hannibal est passé par les Pyrénées pour rejoindre l’Italie et attaquer les Romains. Hannibal avait des alliés de l’autre côté des Pyrénées, en Hispanie. Les Romains, quant à eux, sont venus en Cerdagne où la population autochtone était de leurs côtés dans la lutte qu’ils menaient contre les armées de Carthage. C’est ainsi que, vers 200 av J.C, après la deuxième guerre punique, les Romains progressent par la vallée de la Têt et arrivent en Cerdagne. Ils s’installent dans cette ville ancienne et importante, qui était à cette époque placée dans une colline très stratégique proche d’aquae calidae (eaux thermales : village actuel des Escaldes).

Un castrum (camp fortifié romain) a été construit et, par conséquent, l’ancienne Kerre est devenue la capitale de la Ceratania. Jules César la nomme alors Iulia Lybica et lui offre le droit latin, privilège réservé à un nombre réduit de villes. Devenue municipe, la ville était alors administrée par les mêmes lois que Rome et n’était donc pas traitée comme une simple possession conquise ; ses habitants reçurent les droits civils de citoyens romains. Le nom de la ville serait lié à l’impératrice romaine Livie, épouse d’Auguste et mère par un mariage précédent de Tibère.

En 116, la ville est détruite par une émeute.

L’empereur Hadrien, entre 117 et 138, envoie une colonie pour repeupler et restaurer la ville sous sa protection.

Lors de diverses fouilles, on y a trouvé des monnaies allant de l’époque de Jules César à celle de Septime Sévère, des poteries, des céramiques sigillées (vases, assiettes…), des silos, des pièces au sol en opus testaceum (en briques) et en opus tessellatum (mosaïques antiques), des mosaïques, une nécropole, la structure probable d’un temple… qui laissent à penser que Iulia Lybica était une ville importante.

Voilà ce que l’on peut dire de l’histoire antique de llivia, voyons maintenant ce qu’il s’est passé au Moyen-âge :

Le Castrum Libyae, encore capitale de la Cerdagne, est une place forte très importante au temps des Wisigoths. D’après l’histoire Rebellionis Pauli contre Wamba de Julien Toledo, au viie siècle a lieu à Llívia une émeute importante contre le pouvoir royal de Tolède. Les rebelles ont à leur tête le comte Pau, autoproclamé roi de la Septimanie et de la Tarraconensis ; il est appuyé par les autochtones et les Francs du roi mérovingien Childéric II.

En 672, le roi wisigoth d’Hispanie, Wamba, attaque et prend le château de Llívia.

Au viiie siècle, la région est conquise par les musulmans. Llívia s’appelle alors Medinet-el-bab (la « ville de la porte »). La ville joue un rôle important, car elle commande la présence arabe dans la Cerdagne et permet l’entrée dans la Francie Occidentale dont les troupes musulmanes tentèrent la conquête en 721. Munuza Utaman Abu Nâsar (Munuz), gouverneur musulman de la province pyrénéenne, choisit Llívia comme siège de son pouvoir dans l’émeute contre le pouvoir central de Cordoue en 730. C’est à Llívia que ce même Munuz épouse Lampégie (désignée aussi sous les noms de « Numérance » ou « Ménine »), fille de Eudes d’Aquitaine, duc de Vasconie. Leur fin fut tragique : Munuz fut tué par ses coreligionnaires car ils se méfiaient de ses négociations avec les chrétiens, et Lampégie finit dans le harem du calife. Leur histoire inspira l’auteur catalan du xixe siècle Victor Balaguer i Cirera et le musicien Déodat de séverac.

En 731, le Castrum Lybiae fut fortifié à nouveau.

En 759, Pépin le Bref reprend la Septimanie, le Roussillon et la Cerdagne aux musulmans.

En 815, Llívia devient la résidence du comte Frédol de Cerdagne.

En 839, le comte Sunifred, père de Guifré le Poilu, qui a habité et gouverne la ville de Llívia, arrête l’invasion arabe près de Ribes de Freser.

En 1177, Alfons I fonde Puigcerda, qui devient la capitale de la Cerdagne.

Dépossédée du titre de capitale, Llívia conserve toutefois un intérêt militaire grâce à son château.

En 1257, Jaume I le conquérant accorde le droit de construire et d’habiter au bas du château, à condition de ne pas abandonner les maisons construites en haut de la colline.

De 1276 à 1343, la Cerdagne passe dans les mains de son fils cadet Jaume II et fait partie du Royaume de Majorque.

Pendant le règne de Pierre IV le cérémonieux, le viguier de Cerdagne, d’après une disposition royale de 1351, continue d’habiter le château de Llívia même si elle n’est plus la capitale de la Cerdagne.

En 1345, le château appartient à Guillem de So.

En 1347, il appartient à Bernat de So, comte d’Evol, fils de Guillem de So.

En 1359, on dénombre dans le village 21 feux (105 habitants environ).

En 1360, le château passe aux mains de Pierre de Baioles.

En 1362, il appartient à Pons Descallar.

En 1462, à la suite du Traité de Bayonne, le Roussillon est administré par la France et les troupes montent en Cerdagne.

En 1463, la révolte en Catalogne amena Louis XI à annexer le Roussillon et la Cerdagne et à nommer Jean de Foix lieutenant du Roi.

En 1471, le Roussillon et la Cerdagne sont administrés, jusqu’en 1491, par Boffille de Juge, chambellan de Louis XI.

En 1472, Jean II d’Aragon tente de récupérer, sans succès, le Roussillon et la Cerdagne.

En 1473, les Français sont chassés par la population de Llívia.

En 1474, les troupes de Louis XI attaquent à nouveau et récupèrent Llívia.

En 1479, Louis XI, ayant acheté le château de Llívia à la famille Descallar, le détruit, afin de garder ouverte l’entrée vers les royaumes espagnols en cas de guerre.

En 1493, sous Charles VIII et par le Traité de Barcelone, le Roussillon et la Cerdagne sont abandonnés à Ferdinand II d’Aragon et Llívia est rendue à la famille Descallar. Llívia, sans château et ayant perdu son titre de capitale, fut immédiatement mise sous protection royale. Jusqu’au xvie siècle, Llívia est régie par un maire et un conseiller municipal. Dans la seconde partie du xvie siècle, les anciens privilèges ont été compilés au livre Ferrat, auquel d’autres textes, des xvie et xviie siècles, ont été ajoutés.

En 1582, l’empereur Charles d’Allemagne et d’Espagne accorde à Llívia le titre de ville.

Le 7 novembre 1659, par le traité des Pyrénées, Luis de Haro et le cardinal Mazarin décident de la division. La France annexe le comté de Roussillon, les pays de Vallespir, de Conflent et de Capcir et les bourgs et villages de l’est du comté de Cerdagne, Llívia étant convoitée par les deux couronnes. Le 22 novembre 1660, le traité de llivia est signé, laissant Llívia à l’Espagne. Pourtant, deux ans plus tard subsistaient encore des controverses.

Le 26 mai 1866, afin de clarifier le traité des Pyrénées, signé en 1659, les Français et les Espagnols signent le traité de Bayonne, dont l’article 16 établit définitivement le périmètre de l’enclave, Miguel de Salba clamant que le traité parlait de villages et pas de villes. Llívia ayant été faite ville en 1582, elle fut conservée par l’Espagne et devint dès lors une enclave. Désormais, sur le terrain, une « route neutre» (sans contrôle douanier) de 4 km relie Llívia au territoire espagnol et à la ville de Puigcerdà. Cette situation a particulièrement favorisé le développement d’activités de contrebande.

Le 11 février 1939, à la fin de la guerre civile espagnole, les autorités nationalistes demandent la permission aux autorités françaises d’occuper Llívia, ce qui est accepté par le gouvernement Daladier.

Jusqu’à l’ouverture des frontières en 1995, l’enclave de Llívia n’était reliée au reste de l’Espagne que par la « route neutre ». Depuis, cette route est nationale en Espagne, N-154, et départementale en France, D 68 et D 33c. L’enclave est aussi reliée à Estavar et à Saillagouse par .