L’action du Touring Club de France

Au début du XXème siècle, les associations et institutions touristiques nationales, comme le Club Alpin Français et le Touring Club de France, les syndicats d’initiative, les clubs de sports d’hiver et l’Armée ont contribué à promouvoir les sports d’hiver auprès des populations montagnardes. Elles ont ainsi favorisé leur acculturation et leur appropriation au niveau local

En effet, comme l’observe Bertrand Larique : Un peu partout dans ces années 1930, certaines fractions des communautés locales montagnardes vivent le développement des pistes de ski comme une dépossession des estives (ou alpages) et une concurrence pour l’usage des communaux.

Larique, Bertrand. « Les sports d’hiver en France : un développement conflictuel ? Histoire d’une innovation touristique (1890 – 1940) », Flux, vol. 63-64, no. 1-2, 2006, pp. 7-19.

Depuis sa fondation en 1890, le Touring Club de France axe ses activités sur le développement du tourisme. En ce sens, dès avant la guerre, il poursuit un objectif sensiblement différent de celui du Club Alpin Français. Pour ses dirigeants, le développement des sports d’hiver dans les massifs français est en effet le tremplin de celui du tourisme hivernal. Les efforts du TCF s’adressent donc à un public plus large que celui des sportifs et des alpinistes.

Les réalisations du TCF à Font-Romeu

La revue du TCF sert d’organe de propagande auprès du large public des touristes. Son rôle majeur dans le lancement des sports d’hiver à Font-Romeu est attesté par un article, publié dès janvier 1920,  qui promeut Font-Romeu au rang de station hivernale de haute altitude pouvant rivaliser avec les stations étrangères :

La revue du TCF, 1/1/20

La « Grande Semaine d’Hiver des Pyrénées » dont il est question dans le dernier paragraphe de cet article fait référence aux « Grandes semaines d’hivernage », pensées par le TCF dès 1908, qui participent efficacement à l’effort d’information et de publicité auprès du public. Ce dispositif prend la forme d’une caravane itinérante regroupant des centaines de touristes enthousiastes qui se retrouvent ponctuellement en un lieu pour en démontrer l’intérêt économique. Pour le TCF, il s’agit aussi de se rapprocher des populations montagnardes pour les convaincre de se convertir au tourisme hivernal.

L’article rend ainsi compte d’une précédente Grande Semaine d’Hiver des Pyrénées en soulignant l’importance du chemin de fer (qui rapproche la montagne de la population) et donc, bien entendu, le rôle joué par la Compagnie des Chemins de Fer du Midi, principal acteur de la construction du Grand Hôtel de Font-Romeu.

Diffusion des calendriers des concours et championnats

La revue du TCF relaie également les nombreux concours et championnats organisés par les divers clubs des sports locaux et nationaux. En témoigne cet impressionnant calendrier pour le seul mois de janvier de l’année 1927 :

La Revue du TCF, 1/1/27

Construction de refuges

Toutefois, les efforts du TCF en matière de promotion des sports d’hiver, et notamment du ski,  passent aussi par la construction de refuges et l’implantations de stations météorologiques qui collectent des données pour alimenter des bulletins d’enneigement diffusés à l’échelle nationale et internationale.

Le refuge Gaston Combeleran (ou refuge des Bouillouses)

Grâce au soutien de Gaston Combeleran, secrétaire général de la fédération des syndicats d’initiative Pyrénées-Languedoc-Roussillon et administrateur du TCF, un refuge est aménagé aux Bouillouses par le TCF, à l’emplacement d’une ancienne cantine élevée en 1910 à l’usage des ouvriers qui ont construit le barrage,  pour servir d’abri ou de camp de base aux randonneurs à ski.

De 1922 à 1981, ce refuge est géré par le TCF (voir archives du Touring Club de France).

Le refuge, équipé de 41 couchages prend en 1933 le nom de Gaston Combeleran (sur proposition de M. Saltraille, motion adoptée, voir La Dépêche du 17/6/33).

En 1927, M. Roger en est le concessionnaire, puis en 1928,  M. de Haut. De 1929 à 1946, sa concession est assurée par Jacques Mir.  De 1946 à 1949, le refuge est géré par M. Van Thiegem. De 1950 à 1957 M. Pujol et son épouse prennent la gestion, assurent la restauration et poursuivent l’équipement des locaux. De 1957 à 1987, M. et Mme Mitjaville en sont les gérants. Les améliorations se poursuivent.

Le TCF cesse ses activités en 1981. En 1982, le Syndicat touristique du Capcir obtient de la  SNCF le droit de poursuivre les activités. Le Club Alpin Français, réalise les travaux de rénovation de 1982 et 1987, et prend la gestion en 1987. Le refuge est tenu par M. Jean Viguier. Depuis février 2018 la gestion du refuge des Bouillouses est passée du CAF à la Communauté de communes Pyrénées Catalanes qui en est le propriétaire depuis plus de 30 ans. Actuellement en travaux, le refuge est fermé depuis 2019.

Voir notamment : Jean Viguier, Jean Daccord, et Pierre Claverie, « Le Chalet-refuge des Bouillouses », Revue pyrénéenne / Section du Sud-Ouest du Club alpin français et Ski-club bordelais, 1997-04, p. 3-4.

Cet article (2è page de celui reproduit ci-dessous) nous montre le refuge en 1939. La légende précise que M. Mir, gérant du chalet, fait concurrence à Paul-Emile Victor : il a lui aussi un traîneau attelé de chiens.

Autour du chalet TCF des Bouillouses – janvier 1939. Chalet-refuge installé au Roc de la Calme. Ski-touring : organe du Groupe des skieurs du Touring-club de France, 1/1/39, p. 7.

Une station météorologique est également implantée à proximité du refuge.

Le refuge du Roc de la Calme

L’article reproduit ci-dessous indique également qu’en 1939, en hiver, le refuge des Bouillouses n’est encore accessible qu’à ski :

Le CHALET REFUGE T.C.F. GASTON COMBELERAN est situé dans le canton de MONT-LOUIS (P. O.) dans la commune des ANGLES, au bord du LAC DES BOUILLOUSES, à 2.000 m. d’altitude. De bonne heure isolé par les neiges, il n’est accessible qu’à skis.

mais l’auteur précise que la route la plus courte est :

celle qui part de Font-Romeu et passe par le pic de MONT-CALME. Elle ne demande que trois ou quatre heures de marche et elle est facilitée depuis cet hiver par l’existence de deux monte-pentes qui conduisent le skieur de Font-Romeu au pied de la Calme.

L’article signale également que :

Le Syndicat d’initiative de Font-Romeu a installé au Roc de la Calme un bon
refuge qui constitue une halte agréable et où l’on peut se restaurer à l’abri, et près d’un bon feu. La descente du Roc est assez ardue. Toutefois, par des coulées favorables les skieurs atteignent rapidement le bas de cette pente. Du sommet, ils aperçoivent déjà, au loin, le châlet du T. C. F. Au pied de la Calme et sur la lèvre ouest de l’étang gelé de Pradeilles, on rencontre une baraque de pâtres où l’on peut trouver un abri en cas de mauvais temps. Enfin, par le plat des Bonnes Heures, presque en palier,on atteint l’excellent chalet qu’on a toujours devant soi, comme guide.

Autour du chalet TCF des Bouillouses – janvier 1939. Chalet-refuge installé au Roc de la Calme. Ski-touring : organe du Groupe des skieurs du Touring-club de France, 1/1/39, p. 6.

On trouve une brève mention de ce refuge dans Font-Romeu Fa Temps (Casa Nostra, 2009, p. 101), sous la plume de J-M Rosenstein :

En 1933, fut construit le refuge du ESSI à « La Calma ». tout le toit avait été porté soit à dos d’hommes, soit par luges en venant de l’Eritage par étapes dans un mètre cinquante de neige !

Ce refuge est-il celui que nous connaissons actuellement, situé sur le plateau de la Calme  et d’où l’on jouit d’un magnifique point de vue panoramique sur notre belle Cerdagne ? Un complément de recherche est nécessaire pour pouvoir l’affirmer.

Le déneigement des routes

Le concours de chasse-neige de 1931

Enfin, le TCF a également joué un rôle important en matière de déneigement des routes, en organisant en Cerdagne, du 15 au 19 février 1931, le 2è concours de chasse-neige  (le 1er avait eu lieu dans les Alpes en 1929).

L’enjeu était de taille car, comme le rappelle un article paru dans la revue du TCF, il s’agissait d’assurer la liberté de circulation dans les zones montagnardes enclavées. L’importance de cette dernière était donc non seulement touristique, mais sociale, économique et militaire.

L’article détaille les prouesses des appareils en lice (des chasse-neige légers, semi-lourds ou lourds de marque Latil, Citroën-Viking-Kergresse ou Crosti-Pavesi).

Les remerciements placés à la fin du texte citent les noms des principaux acteurs du développement de la station, notamment la Compagnie des Wagons-Lits, la Compagnie des chemins de fer du Midi, la Compagnie des chemins de fer de Paris à Orléans, la mairie d’Odeillo-Font-Romeu en la personne de Fernand Bouyonnet, le délégué du TCF, M. Saltraille et le chef du bataillon  Lacassie ainsi que les officiers et sous-officers du centre de ski de Mont-Louis.

Voir à ce sujet l’article suivant (accessible à partir du lien en bas de page).

En outre, une photographie prise par Paul Goudin, photographe installé à Font-Romeu, illustre la couverture de ce numéro :

Revue du TCF, 1/1/31, Gallica

A suivre : Les autres acteurs de l’essor des sports d’hiver

5 réflexions sur « L’action du Touring Club de France »

  1. Bonjour,
    J’ai fréquenté le touring club de France en 1970, j’ai séjourné à la raillère et en 1975 à la hount gaye à Cauterets dans les hautes Pyrénées, que sont devenus ces établissements ?
    Merci.

  2. I have read your article carefully and I agree with you very much. This has provided a great help for my thesis writing, and I will seriously improve it. However, I don’t know much about a certain place. Can you help me?

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