La Cerdagne du néolithique au Traité des Pyrénées

Les premiers habitants de la Cerdagne étaient appelés les Kérétanis

Au IIe siècle avant J.C., les Kérétanis sont soumispar les Romains. Après les Romains, ce sont les Wisigoths qui occupent toute la péninsule ibérique et la Cerdagne.

Au VIIIe siècle, la péninsule ibérique et la Septimanie sont envahis par les Sarrasins.

Les hautes terres comme la Cerdagne ont procuré un refuge aux populations fuyant les razzias musulmanes.

Un lieutenant du gouverneur maure de Cordoue, Munuza, décide de créer en Cerdagne un territoire indépendant.  Le gouverneur d’Al Andalous conduit alors une expédition punitive contre Munuza, qui est battu et tué. Une légende veut que sa dépouille soit enterrée dans ce qui est maintenant l’église de Planés (sous toute réserve).

Engagés dans la conquête de la péninsule ibérique à partir de 711, les musulmans prennent Tarragone et Narbonne en 718 et ont poursuivi leur progression en Gaule, jusqu’au coup d’arrêt donné en 732 à Poitiers par Charles Martel. Refoulés vers le midi languedocien, ils conservent le contrôle de la Septimanie mais en sont expulsés par Pépin le Bref entre 752 et 760. La montée en puissance de la dynastie carolingienne pousse bientôt les Francs au-delà des Pyrénées. Ils forment alors ce qu’on appelle  « La Marche d’Espagne ». Leurs entreprises rencontrent davantage de succès à l’est des Pyrénées, les contes carolingiens reconquièrent en 789 les territoires de la Cerdagne et d’Urgel.

A noter : des tours de guets ont été édifiés par les carolingiens pour prévenir l’arrivée des sarrasins, dont un témoignage physique est la tour d’Egat :

Guifred le Velu et la formation de la Catalogne

Les notables locaux se dressent contre Louis le Pieux en 827 mais l’échec de la révolte marque la fin des espoirs de renaissance d’une entité politique wisigothique indépendante du souverain franc et de l’émir de Cordoue. Alors que Charles le Chauve se voit attribuer, lors du partage de Verdun de 843, la marche d’Espagne, le morcellement politique du monde carolingien facilite la formation, à partir de plusieurs comtés francs, de petites principautés territoriales qui fourniront ses premiers cadres politiques à l’espace catalan. Il s’agit des comtés de Cerdagne, Urgel, Besalù, Sobarbe, Ribagorza, Pallars, Gérone, Roussillon, Vich, Ampurias et Barcelone. L’autorité carolingienne se maintient cependant jusqu’en 878. C’est à cette date que Guifred le Velu – fils de Sunifred, comte de Barcelone, Gérone et Narbonne, devenu dès 870 comte d’Urgel, de Cerdagne et de Conflent – est investi du titre de marchio et se voit confier par Louis le Bègue les comtés de Barcelone et de Gérone. Jusqu’à sa mort, survenue en 897, Guifred accomplit une œuvre considérable. Il fait construire des forteresses comme celle de Cardona et organise le peuplement de la région du Vallès proche de Barcelone. Il encourage les fondations monastiques et obtient en 886 la restauration, à Vich, de l’évêché d’Ausone, disparu après la révolte sans lendemain de 827. L’avènement de Guifred constitue un moment important pour l’histoire de la région car c’est en 878 que les comtes sont nommés pour la dernière fois par les souverains carolingiens. À partir de cette date, la future Catalogne est virtuellement indépendante, les rois francs se contentant désormais d’entériner simplement les successions comtales, les différents pouvoirs locaux étant devenus de fait héréditaires.

En 1111, le comté de Barcelone s’agrandit de celui de Besalù, en 1117 de la Cerdagne et en 1132 du Roussillon.

La personnalité la plus remarquable du XIe siècle catalan demeure Oliba, un comte de Cerdagne devenu abbé de Ripoll en 1008, puis évêque de Vich en 1018. À l’origine de la fondation de l’abbaye de Montserrat, il est aussi, lors du synode de Toulouse de 1027, l’initiateur de la « trêve de Dieu » appelée, en se généralisant, à pacifier des mœurs féodales jusque là très brutales. Il développa aussi les abbayes de Saint Michel de Cuxa et de Saint Martin du Canigou.

Source : Philippe Parroy, Clio, Septembre 2000

La Cerdagne fut liée ensuite aux royaumes de Majorque aux XIIIe et XIVe siècles ou au roi de France en 1463-1493. Finalement, la Cerdagne fut partagée par le traité des Pyrénées (1659). L’Espagne gardait Puigcerda et Llivia en enclave.

La Cerdagne française joua sous l’Ancien Régime le rôle de marche militaire, dominée par la puissante citadelle de Mont-Louis (du nom de Louis XIV) créée par Vauban et qui domine les hautes vallées de la Têt, de l’Aude et du Sègre.

Quand Llivia était capitale de la Cerdagne

Quand Llivia était capitale de la Cerdagne.

Source : wikipedia Llivia.

Jusqu’en 1177 Llivia est la capitale de la Cerdagne. Elle a depuis perdu ce titre au profit de la ville de Puigcerda. Nous développerons ce point plus loin.

Llivia a une histoire pluri millénaire. On sait que, déjà, 3000 ans avant Jésus- Christ, Llivia était peuplée. Son nom initial était Kerre  qui désigne une chaîne montagneuse, ou rocher. Le nom de Cerdagne vient de là : Cerdagne, Ceretania, Kerretania, Kerre. A les Queres, on a trouvé des haches en pierre polie et d’autres outils, ainsi que de la poterie. À la colline du château de llivia, on a trouvé des pièces de l’âge du bronze et à Les Feix de la Colomina à Dorres de la poterie du deuxième âge de fer cerdane. Llívia a été peuplée sans interruption dès la fin de l’Âge du Fer.

On retrouve Llivia dans la mythologie grecque et dans le mythe de la création des Pyrénées. En effet, la légende raconte que le demi-dieu Héraclés, revenant de l’île d’Erythie (île mythique située aux confins du monde connu tout au sud de l’actuelle Cadix, qui était le domaine de Géryon, géant à trois corps), après avoir volé les taureaux de Géryon, a choisi Llivia pour se reposer et y a construit une ville (d’ailleurs Héraclés préside les armoiries de la ville de Llivia). Héraclés séduit Pyrène. Celle-ci, désespérée de son départ, s’enfonça dans les forêts et fut tuée par des bêtes sauvages. Lorsque Héraclés revint à Llivia, il lui éleva un tombeau dont on a fait les Pyrénées.

On sait qu’ Hannibal est passé par les Pyrénées pour rejoindre l’Italie et attaquer les Romains. Hannibal avait des alliés de l’autre côté des Pyrénées, en Hispanie. Les Romains, quant à eux, sont venus en Cerdagne où la population autochtone était de leurs côtés dans la lutte qu’ils menaient contre les armées de Carthage. C’est ainsi que, vers 200 av J.C, après la deuxième guerre punique, les Romains progressent par la vallée de la Têt et arrivent en Cerdagne. Ils s’installent dans cette ville ancienne et importante, qui était à cette époque placée dans une colline très stratégique proche d’aquae calidae (eaux thermales : village actuel des Escaldes).

Un castrum (camp fortifié romain) a été construit et, par conséquent, l’ancienne Kerre est devenue la capitale de la Ceratania. Jules César la nomme alors Iulia Lybica et lui offre le droit latin, privilège réservé à un nombre réduit de villes. Devenue municipe, la ville était alors administrée par les mêmes lois que Rome et n’était donc pas traitée comme une simple possession conquise ; ses habitants reçurent les droits civils de citoyens romains. Le nom de la ville serait lié à l’impératrice romaine Livie, épouse d’Auguste et mère par un mariage précédent de Tibère.

En 116, la ville est détruite par une émeute.

L’empereur Hadrien, entre 117 et 138, envoie une colonie pour repeupler et restaurer la ville sous sa protection.

Lors de diverses fouilles, on y a trouvé des monnaies allant de l’époque de Jules César à celle de Septime Sévère, des poteries, des céramiques sigillées (vases, assiettes…), des silos, des pièces au sol en opus testaceum (en briques) et en opus tessellatum (mosaïques antiques), des mosaïques, une nécropole, la structure probable d’un temple… qui laissent à penser que Iulia Lybica était une ville importante.

Voilà ce que l’on peut dire de l’histoire antique de llivia, voyons maintenant ce qu’il s’est passé au Moyen-âge :

Le Castrum Libyae, encore capitale de la Cerdagne, est une place forte très importante au temps des Wisigoths. D’après l’histoire Rebellionis Pauli contre Wamba de Julien Toledo, au viie siècle a lieu à Llívia une émeute importante contre le pouvoir royal de Tolède. Les rebelles ont à leur tête le comte Pau, autoproclamé roi de la Septimanie et de la Tarraconensis ; il est appuyé par les autochtones et les Francs du roi mérovingien Childéric II.

En 672, le roi wisigoth d’Hispanie, Wamba, attaque et prend le château de Llívia.

Au viiie siècle, la région est conquise par les musulmans. Llívia s’appelle alors Medinet-el-bab (la « ville de la porte »). La ville joue un rôle important, car elle commande la présence arabe dans la Cerdagne et permet l’entrée dans la Francie Occidentale dont les troupes musulmanes tentèrent la conquête en 721. Munuza Utaman Abu Nâsar (Munuz), gouverneur musulman de la province pyrénéenne, choisit Llívia comme siège de son pouvoir dans l’émeute contre le pouvoir central de Cordoue en 730. C’est à Llívia que ce même Munuz épouse Lampégie (désignée aussi sous les noms de « Numérance » ou « Ménine »), fille de Eudes d’Aquitaine, duc de Vasconie. Leur fin fut tragique : Munuz fut tué par ses coreligionnaires car ils se méfiaient de ses négociations avec les chrétiens, et Lampégie finit dans le harem du calife. Leur histoire inspira l’auteur catalan du xixe siècle Victor Balaguer i Cirera et le musicien Déodat de séverac.

En 731, le Castrum Lybiae fut fortifié à nouveau.

En 759, Pépin le Bref reprend la Septimanie, le Roussillon et la Cerdagne aux musulmans.

En 815, Llívia devient la résidence du comte Frédol de Cerdagne.

En 839, le comte Sunifred, père de Guifré le Poilu, qui a habité et gouverne la ville de Llívia, arrête l’invasion arabe près de Ribes de Freser.

En 1177, Alfons I fonde Puigcerda, qui devient la capitale de la Cerdagne.

Dépossédée du titre de capitale, Llívia conserve toutefois un intérêt militaire grâce à son château.

En 1257, Jaume I le conquérant accorde le droit de construire et d’habiter au bas du château, à condition de ne pas abandonner les maisons construites en haut de la colline.

De 1276 à 1343, la Cerdagne passe dans les mains de son fils cadet Jaume II et fait partie du Royaume de Majorque.

Pendant le règne de Pierre IV le cérémonieux, le viguier de Cerdagne, d’après une disposition royale de 1351, continue d’habiter le château de Llívia même si elle n’est plus la capitale de la Cerdagne.

En 1345, le château appartient à Guillem de So.

En 1347, il appartient à Bernat de So, comte d’Evol, fils de Guillem de So.

En 1359, on dénombre dans le village 21 feux (105 habitants environ).

En 1360, le château passe aux mains de Pierre de Baioles.

En 1362, il appartient à Pons Descallar.

En 1462, à la suite du Traité de Bayonne, le Roussillon est administré par la France et les troupes montent en Cerdagne.

En 1463, la révolte en Catalogne amena Louis XI à annexer le Roussillon et la Cerdagne et à nommer Jean de Foix lieutenant du Roi.

En 1471, le Roussillon et la Cerdagne sont administrés, jusqu’en 1491, par Boffille de Juge, chambellan de Louis XI.

En 1472, Jean II d’Aragon tente de récupérer, sans succès, le Roussillon et la Cerdagne.

En 1473, les Français sont chassés par la population de Llívia.

En 1474, les troupes de Louis XI attaquent à nouveau et récupèrent Llívia.

En 1479, Louis XI, ayant acheté le château de Llívia à la famille Descallar, le détruit, afin de garder ouverte l’entrée vers les royaumes espagnols en cas de guerre.

En 1493, sous Charles VIII et par le Traité de Barcelone, le Roussillon et la Cerdagne sont abandonnés à Ferdinand II d’Aragon et Llívia est rendue à la famille Descallar. Llívia, sans château et ayant perdu son titre de capitale, fut immédiatement mise sous protection royale. Jusqu’au xvie siècle, Llívia est régie par un maire et un conseiller municipal. Dans la seconde partie du xvie siècle, les anciens privilèges ont été compilés au livre Ferrat, auquel d’autres textes, des xvie et xviie siècles, ont été ajoutés.

En 1582, l’empereur Charles d’Allemagne et d’Espagne accorde à Llívia le titre de ville.

Le 7 novembre 1659, par le traité des Pyrénées, Luis de Haro et le cardinal Mazarin décident de la division. La France annexe le comté de Roussillon, les pays de Vallespir, de Conflent et de Capcir et les bourgs et villages de l’est du comté de Cerdagne, Llívia étant convoitée par les deux couronnes. Le 22 novembre 1660, le traité de llivia est signé, laissant Llívia à l’Espagne. Pourtant, deux ans plus tard subsistaient encore des controverses.

Le 26 mai 1866, afin de clarifier le traité des Pyrénées, signé en 1659, les Français et les Espagnols signent le traité de Bayonne, dont l’article 16 établit définitivement le périmètre de l’enclave, Miguel de Salba clamant que le traité parlait de villages et pas de villes. Llívia ayant été faite ville en 1582, elle fut conservée par l’Espagne et devint dès lors une enclave. Désormais, sur le terrain, une « route neutre» (sans contrôle douanier) de 4 km relie Llívia au territoire espagnol et à la ville de Puigcerdà. Cette situation a particulièrement favorisé le développement d’activités de contrebande.

Le 11 février 1939, à la fin de la guerre civile espagnole, les autorités nationalistes demandent la permission aux autorités françaises d’occuper Llívia, ce qui est accepté par le gouvernement Daladier.

Jusqu’à l’ouverture des frontières en 1995, l’enclave de Llívia n’était reliée au reste de l’Espagne que par la « route neutre ». Depuis, cette route est nationale en Espagne, N-154, et départementale en France, D 68 et D 33c. L’enclave est aussi reliée à Estavar et à Saillagouse par .

La présence romaine en Cerdagne

La présence romaine en Cerdagne date du IIème siècle avant J.C.

La « Strata Conflentana » reliait la Via Domitia (qui traversait le Roussillon actuel et rejoignait la péninsule Ibérique via le Col du Perthus) à « Sanctus Petrus de Infurcatis » (Saint Pierre dels Forcats actuel), ce village se trouvant à la bifurcation de la route romaine. En effet, de là partait la « Strata Cerdana »  qui passait par le Col de la Perche, le pont de Bau, sous Eyne et allait à « Julia  Lybica » (l’actuelle Llivia) et se poursuivait vers Lérida par la vallée du Sègre. De Saint Pierre, une autre voie romaine rejoignait le Capcir et la Haute Vallée de l’Aude.

A quelques kilomètres de Llivia, il en a subsisté des éléments importants dans les infrastructures du pont médiéval de Sant Marti d’Aravo qui permet de franchir la rivière de Carol ou Aravo. Ce pont médiéval repose sur les bases des trois piles romaines.

Julia Lybica, la capitale des Cerretani Juliani (Cerdans actuels) a reçue son nom de Julia de Jules César lui-même qui aurait accordé aux « Cerretani » le droit latin. A l’époque romaine, Livia était un nom féminin, porté en particulier par l’épouse d’Auguste.

A Llivia se trouvait une petite garnison romaine. En effet, l’endroit était stratégique pour surveiller le passage vers Lérida, du haut de la colline, où l’on a retrouvé divers éléments de poterie et des pièces romaines :

Jules César lui-même est venu à Llivia, avec 900 chevaux, où il s’est arrêté lors de son passage vers Lérida où il a vaincu les partisans de Pompée sur le Sègre lors de la guerre civile romaine qui l’opposait à celui-ci.

Les romains occupaient donc Llivia et ses alentours : de Llo à Angoustrine en passant par Sainte Léocadie.

Ils appréciaient particulièrement les eaux chaudes (aquae calidae, toponyme qui a donné les Escaldes) et ont fondé les bains romains de Dorres. Malheureusement, au 16ème siècle, la ville de Puigcerda fit modifier les anciennes constructions balnéaires des Escaldes. Au 17ème siècle, subsistaient encore un lavacrum pavé de larges dalles de marbre blanc et un sudatorium. Tout a disparu dans les reconstructions urgentes faites en 1821

                      Bains romains de Dorres

Les monnaies trouvées à Llivia et à Angoustrine datent de l’époque impériale : on a des monnaies d’Auguste, de Tibère, d’Hérode, de Néron et de Septime Sévère. La datation de ces monnaies atteste une certaine continuité de l’occupation romaine dans la capitale de la Cerdagne depuis l’époque de Jules César.

En 39 avant J.C., les Cerretani se soulevèrent contre le joug romain. Le proconsul Domitius Calvinus châtia durement cette rébellion, ce qui lui valut les honneurs du triomphe.

De l’époque romaine subsiste aussi un « Cippe » (autel romain) dédié au culte de Jupiter (dieu de la foudre), avec des inscriptions, que l’on peut encore voir dans le cimetière d’Angoustrine :

Les Cerretani ont hérité des romains : les usages, le droit romain, la langue latine (qui est à l’origine du Catalan originel qui provient de la Cerdagne) ainsi que d’un petit nombre de noms de villages actuels qui proviennent du Latin.

Il est important de noter que les romains ont exploité l’or des alluvions du Sègre à Sainte Léocadie. Ils exploitaient aussi le minerai de fer dans le massif du Canigou.

Le bois, la laine, les céréales étaient aussi travaillés. Mais la principale exportation vers Rome à partir des ports de Port Vendres (Portus Veneris) ou de Tarragonne (la Cerdagne était rattachée à la Provincia Tarraconensis ou Province de Tarragonne en Espagne) était le « jambon cerretani » qui était très apprécié par les riches romains. Il y avait donc beaucoup d’élevage en Cerdagne.

De plus, la région était divisée en plusieurs pays : « Pagi Conflentis », Pagi Livensis (Llivia) et Pagi Redenensis (Capcir).

Les autochtones s’engagèrent dans l’armée romaine, découvrirent les sciences, l’art et le latin.

La présence romaine en Cerdagne a donc posée les bases de notre vie actuelle.