L’Art sacré en Cerdagne

L’Art sacré en Cerdagne

La Cerdagne compte de nombreuses églises romanes, pour la plupart édifiées à partir du XIe siècle.

L’ Art roman se caractérise par des sculptures représentant un bestiaire fantastique, des motifs végétaux, des têtes humaines, etc.  dont on retrouve des exemples dans ces chapelles, notamment celle de Llo.

Ces chapelles ont été construites en granit avec le plus souvent un clocher-mur parfois orné de colonnettes en marbre blanc.

On peut y admirer  des portails à chapiteaux sculptés, des fenêtres romanes, des retables baroques (sculptés et dorés sur bois au cours des 16ème et 18ème siècles), des peintures murales, des modillons sculptés, des fresques murales, des statues polychromes (Ermitage de Font-Romeu entre autres) et des fonts baptismaux dans l’église d’Ur (qui sont peut-être wisigothiques) et de Palau de Cerdagne datant du XIIIe siècle.

De nombreuses statues de la Vierge à l’Enfant (souvent des vierges noires), anguleuses, sont abritées dans des Camarils (petite chambre en catalan). On trouve de très nombreux Christs en croix.

A noter : sur la paroi de l’église de Dorres, se trouvent des haches de pierre polie du néolithique qui ont été scellées dans le mur par des crochets en fer (mélange intéressant des cultes chrétiens et de la préhistoire).

Sur le clocher-mur de l’église d’Estavar se trouvent des éléments en marbre, vestiges des Romains ou du Moyen-Age.

Remerciements à Jean-Louis BLANCHON pour ces précieux conseils.

J. L. Blanchon est l’auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire de la Cerdagne :

  • 1936-1948, la Cerdagne déchirée (2017)
  • Quand naissait le train jaune (2012)
  • La bataille de Bourg-Madame, 29 novembre 1822 (2006)
  • Palau de Cerdanya (1971)
  • Les carnets du train jaune

Pour en savoir plus, reportez vous sur la revue annuelle SOURCES –Les cahiers de l’Âne Rouge, revue d’Archéologie, Histoire, Ethnologie et Sciences Naturelles de Cerdagne –Capcir –Pyrénées catalanes.

Pour obtenir des détails de chaque église de la Cerdagne, voir notamment le blog d’Alain Gillodes.Si vous devez sélectionner quelques églises à voir absolument, privilégier en priorité celles :

  • d’Ur (à arcatures lombardes)
  • Angoustrine
  • Hix  (qui abrite un très beau festival de musique qui se déroule dans l’église l’été)
  • Dorres (chapelle de Belloch sur une hauteur qui surplombe toute la Cerdagne)
  • l’Ermitage de Font-Romeu
  • l’église Sainte Eugénie de Saillagouse (retables et décors à fresques).

Au sud de la frontière, les églises de Guils de Cerdanya ou de Bolvir méritent également une visite.

Saint-Martin d’Hix. Creative Commons

Saint-André, Angoustrine-Villeneuve-des-Escaldes. Creative Commons

Saint-Martin d’En Valls, Angoustrine-Villeneuve-des-Escaldes. Creative Commons

Eglise de Planes. Creative Commons

Nous disposons à l’Office de Tourisme de Font-Romeu d’un document sur l’Art Sacré et le Patrimoine qui est à votre disposition (où figurent aussi les abbayes du Conflent : Saint Michel et Saint Martin, les prieurés de Marcevol et de Serrabonne) mais aussi de l’Art Sacré en Catalogne espagnole, toute proche.

N’hésitez pas à nous envoyer vos photos ou commentaires.

A lire aussi :

Jean-Luc Antoniazzi, Dominique Fernandez, Ferrante Ferranti, Baroque catalan, Belin, 2001

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Quelques photos personnelles

Quelques photos personnelles

L’administrateur de ce blog a souhaité partager quelques photographies personnelles témoignant de la vie du village autrefois. Si vous souhaitez, de même, voir vos images publiées sur ce blog, merci de les lui adresser, de préférence datées et assorties de légendes détaillées.

Aux prémisses de la station : le restaurant des Sapins, le chalet-baraquement tenu par Marguerite Ribeil-Reynes à l’emplacement actuel de l’Hôtel Regina que Marguerite fera construire plus tard. On aperçoit la propriétaire à droite sur cette photo avec ses deux fils, Ernest et Henri Reynes et son époux. Au centre de la photo, M. Boyer, garde des Eaux-et-Forêts est l’oncle de Marguerite. Mme Boyer est assise (à gauche).
L’Hôtel Regina ; construit par  Marguerite Ribeil-Reynes sera plus tard tenu par Henri Reynes (mon grand-père), Ernest, son frère, et leurs épouses. Henri conduit le taxi garé devant l’hôtel et propose des excursions à travers les Pyrénées aux clients de l’hôtel.
Photos de l’école. En haut, à gauche, mon poère, Henri Reynes. An bas, à droite, mon oncle Jean Reynes

 

 

 

L’épicerie l’Abeille d’Or que tient Jeanne Desprats, ma grand-mère, à la fin des années 30. Photo: archives personnelles.
Mes arrière grands-parents, Jules et Marie Desprats et un de leurs petits-fils (Henri ou Jean)
En mars 1944 : chute de neige exceptionnelle. La neige arrive jusqu’au balcon du premier étage de la maison située avenue Brousse. Photo : archives personnelles
Henri (mon père) et Jean (Jeannot, mon oncle) à skis

 

Le camion de la Poule au Pot (établissement situé au pied des pistes). Photo : archives personnelles

 

 

 

 

 

Août 1932 : le « Congrès de Font-Romeu » et la naissance de la revue Esprit

Août 1932 : le « Congrès de Font-Romeu » et la naissance de la revue Esprit

En août 1932, un élan révolutionnaire souffle sur Font-Romeu

C’est à Font-Romeu, le 16 août 1932, qu’un groupe de jeunes intellectuels comptant, entre autres, Jean Daniélou (philosophe et théologien, membre de l’Académie française en 1972) Georges Izard (avocat destiné à une brillante carrière, il s’illustrera notamment lors de l’affaire Kravchenko en 1949), André Déléage (médiéviste et lalors bibliothécaire à l’Université de Toulouse), Louis Galey (alors étudiant aux Beaux-Arts) et le philosophe Emmanuel Mounier jette les bases de la revue Esprit* (dont le premier numéro paraîtra en octobre 1932).

Dans le contexte de crise politique et spirituelle qui éclate alors en Europe, le groupe, réunit en « congrès », est déterminé à « refaire la Renaissance », selon le mot d’Emmanuel Mounier, son chef de file, et à revoir les valeurs du monde moderne en prônant une doctrine « personnaliste » fondée sur la fraternité et la pluralité.

Le congrès a vraisemblablement lieu à la Villa Saint-Paul (voir aussi cet article), où séjourne chaque été Madeleine Daniélou, pédagogue, enseignante, directrice du collège Sainte-Marie de Neuilly et épouse de l’homme politique, ancien ministre de la santé, Charles Daniélou. La fille de Madeleine Daniélou, Catherine Daniélou, est  par ailleurs mariée à Georges Izard. C’est Madeleine Daniélou qui est à l’origine du titre de la revue (Mounier voulait l’appeler La révolution spirituelle).

Revue Esprit (fondée en octobre 1932), numéro de mai 2020

* »Fondée en 1932 par Emmanuel Mounier, la revue Esprit continue d’orienter ses lecteurs dans les débats du temps, poursuit son enquête sur la forme de vie démocratique et maintient son engagement en faveur de la justice. Personnaliste à ses origines, la revue a participé aux luttes anticoloniales, accompagné l’expérience de la « deuxième gauche » et mené le combat antitotalitaire. Université sauvage, elle réunit ceux qui cherchent à proposer à un public large un éclairage critique de notre modernité. Chaque numéro est composé d’un éditorial, d’un journal « à plusieurs voix » sur l’actualité politique internationale, d’un dossier thématique, d’articles divers, et de recensions de l’actualité culturelle et éditoriale. Indépendante, ouverte sur le monde et engagée dans la cité, la revue est aujourd’hui codirigée par Antoine Garapon et Jean-Louis Schlegel. »(référence)

Jean Vigo à Font-Romeu (1926-1928)

Jean Vigo à Font-Romeu (1926-1928)

Retour sur image : Jean Vigo à Font-Romeu (1926-1928)

Le réalisateur (1905-1934) dont l’œuvre fulgurante a marqué le développement du cinéma de ses rythmes inédits et de ses points de vue insolites, a vécu à Font-Romeu, de 1926 à 1928, des mois de convalescence placés sous le double sceau de la dépression et de l’élan.

Souffrant d’une tuberculose chronique, Vigo est admis, en août 1926, à l’âge de 21 ans, à la clinique de l’Espérance, dirigée par le docteur Capelle. Son séjour à Font-Romeu se prolongera jusqu’à l’automne 1928, ponctué de voyages à Paris et à Montpellier.

La solitude de la haute Cerdagne et les longues promenades dans la neige sont une piètre compensation de la vie d’étudiant en Sorbonne (où Vigo s’était inscrit en sociologie et en philosophie peu de temps avant de tomber gravement malade). Conscient de la gravité de son affection et du danger qu’elle fait peser sur ses jours, il est sujet à de fréquents accès de mélancolie et n’a de cesse qu’on le laisse repartir à Paris, où vit sa mère, Émilie Cléro, ou à Montpellier, auprès de la famille Aubès qui l’a accueilli après la mort de son père, en 1917. Ces séjours, s’ils permettent au jeune homme de (re)nouer des liens affectifs et amicaux, sont malheureusement beaucoup moins bénéfiques à sa santé. Chaque rechute le ramène inexorablement à Font-Romeu.

Jean Vigo. Source: Wikepedia

C’est toutefois là, en dépit des circonstances, que, de l’avis de ses biographes, Vigo va trouver la force créatrice et « révolutionnaire » qui va alimenter son travail cinématographique. La lecture et l’écriture jouent un rôle crucial dans ce processus. Il correspond ainsi avec Pierre Soubeyran de Saint-Prix, frère de l’écrivain pacifiste Jean de Saint-Prix, qu’il seconde dans le projet d’un ouvrage inspiré d’une révolte en Catalogne. Le jeune homme se lie également d’amitié avec un autre patient de la clinique de l’Espérance, Claude Aveline (né Eugen Avstsine), jeune éditeur de quatre ans son aîné, qui publie, depuis 1922, une « collection philosophique » sous l’enseigne de « Claude Aveline Editeur ». Vigo, devenu secrétaire d’Aveline, se plonge dans les manuscrits de Paul Valéry, Anatole France ou encore Diderot. L’amitié entre les deux hommes perdurera bien au-delà de la disparition prématurée de Vigo : Aveline sera notamment le fondateur, en 1951, du Prix Jean Vigo.

Par ailleurs, le séjour prolongé en Cerdagne trouve sans doute un écho chez Vigo dont une partie des racines familiales plonge en terre cerdane : son arrière-grand-père paternel, Bonaventure Vigo, fut en effet maire de Saillagouse (de 1878 à 1884), avant d’assurer la charge de viguier de France en Andorre (de 1883 à 1886). De la relation de son grand-père, Bonaventure François Joseph Vigo, né à Saillagouse, et d’une Perpignanaise, Aimée Salles, naquit le père de Jean Vigo, Eugène Bonaventure Vigo, plus connu sous le pseudonyme Miguel Almereyda, révolutionnaire anarchiste puis socialiste républicain, fondateur du journal « La Guerre sociale » en 1906, puis du canard satirique, « Le Bonnet rouge » en 1913. Après avoir été la cible de la presse d’extrême-droite, puis d’une charge menée par Clémenceau, Almereyda est emprisonné à la prison de Fresne où il meurt étranglé dans sa cellule à l’âge de 34 ans, en 1917. Le traumatisme lié à cette fin tragique et le désir de rétablir la réputation de son père hanteront Jean Vigo tout le long de sa vie (« Quand je l’ai connu dans une clinique de Font-Romeu, il allait avoir vingt ans. Il rêvait de faire du cinéma, mais n’en avait ni la possibilité physique ni les moyens matériels. Aussi ne s’employait-il qu’à une chose : préparer la réhabilitation de son père. Je me rappelle nos longues promenades dans la neige, pendant les­quelles il me racontait les témoignages qu’il parvenait à réunir. J’ai découvert là, dans son regard cette volonté d’aboutir qui le brûlait comme une flamme et que je n’ai vu s’éteindre qu’une heure avant sa mort », Claude Aveline, « Présentation de Jean Vigo », Ciné Club, 1949).

Mais Font-Romeu, c’est aussi, et sans doute avant tout, le lieu de la rencontre avec Elizabeth Lozinska,  surnommée « Lydu », une jeune Polonaise de 19 ans, elle aussi phtisique et dont Jean tombe amoureux. Ils se marieront le 24 janvier 1929. De cette union naîtra Luce Vigo (1931-2017), future critique de cinéma et longtemps animatrice de l’institut créé en hommage à son père.

Le couple s’est alors installé à Nice où Vigo se lance dans la réalisation grâce au soutien financier du père de Lydu, Hirsh Lozinski, un riche industriel de Lodz. Bientôt un film muet, l’un des derniers du genre, va propulser Vigo à l’avant-plan de la scène cinématographique : À propos de Nice. Point de vue documenté (1930), étourdissant documentaire social, inspiré du cinéma soviétique de Dziga Vertov et des expérimentations filmiques surréalistes de Man Ray, Breton et Desnos, où le jeune réalisateur montre, afin d’en faire le procès, « […] les derniers soubresauts d’une société qui s’oublie jusqu’à vous donner la nausée et vous faire le complice d’une solution révolutionnaire » (J. Vigo, « Vers un cinéma social »).

Font-Romeu a donc été le creuset d’une explosion créatrice qui donnera encore lieu à Zéro de Conduite, puis L’Atalante (1934). Entre profondes angoisses et rencontres lumineuses, c’est ici que Vigo a forgé sa « force révolutionnaire » (Sales Gomes).

 

Jean Vigo et Lydu à Font-Romeu

Sources :

Philippe Bonnaves, « A propos de Nice ou le dernier des films muets ». [Blog]. www.unepageblanche.com

Gomes Salles, Paulo Emilio. Jean Vigo. Paris, Seuil, 1957.

Lherminier, Pierre. Jean Vigo. Paris, Editions Seghers, 1967.

Le sanatorium de Font-Romeu (1924)

À voir à Font-Romeu, une curiosité patrimoniale : le sanatorium héliothérapique de la Fédération des Écoles Publiques (date de construction : 1920-1924)

Élevé dans une clairière, dans la forêt que surplombe le Calvaire, le sanatorium de la Fédération des Écoles Publiques (ou des Pupilles de l’Ecole Publique, PEP) est l’un des 350 sanatoriums de cure construits ou aménagés sur le territoire français entre 1900 et 1960.


Sanatorium héliothérapique, façade sud
Climatisme et architecture

Son architecture reprend les éléments d’un programme médical et social spécifique. Notons, entre autres : un plan en T comportant une aile allongée, orientée plein sud sur 4 niveaux bordés de galeries découvertes suffisamment larges pour que l’on puisse y rouler les lits des malades et suffisamment hauts pour permettre l’exposition directe au rayonnement solaire, et une aile transversale abritant les services ; ainsi qu’un parc destiné à la promenade situé sur l’avant du bâtiment.

La cure antituberculeuse proposée à Font-Romeu obéit aux principes élaborés entre 1860 et 1890 par les médecins allemands Hermann Brehmer et Peter Dettweiler (les malades doivent rester allongés et être exposés à l’air et au soleil), puis développés, au début du XXe siècle, par le médecin suisse Oskar Bernhardt et son élève Auguste Rollier, tous deux chantres de l’héliothérapie.

Image
Patients et infirmières sur la grande terrasse du sanatorium construit en 1920-24

L’architecture s’associe plus que jamais à la médecine et lors du 14è Congrès international pour la lutte contre la tuberculose, en 1907, le médecin allemand David Sarason expose le concept de l’immeuble à gradins destiné à capter le maximum de lumière solaire, un type de construction caractérisé par l’échelonnement de toits-terrasses en béton armés disposés en retrait les uns par-rapport aux autres. Ce principe sera bientôt appliqué aux immeubles d’habitation (en France, il fait l’objet, en 1912, d’un dépôt de brevet par les architectes Henri Sauvage et Charles Sarrazin).

Soulignons cependant que si le concept de l’immeuble à gradins est érigé en dogme dans le contexte de la cure antituberculeuse de la première moitié du siècle, le choix des formes et des matériaux est laissé au libre arbitre des architectes.

Si le sanatorium héliothérapique de Font-Romeu, conçu sur les plans établis par Louis Feine dès 1918 et construit à partir de 1920, ne comporte pas de façade en gradins à proprement parler (les balcons sont disposés les uns au-dessus des autres et non en décrochement), il répond en tous points au programme de la cure héliothérapique.

Il convient de rappeler que dès la seconde moitié des années 1920,  la cure héliothérapique est également pratiquée à Font-Romeu à la clinique L’Espérance, construite en 1922 et dirigée par le docteur Capelle. L’établissement compte 25 chambres, dotées du chauffage central, des terrasses de cure.

Image
Clinique héliothérapique du docteur Capelle

Le sanatorium héliothérapique est également l’un des plus hauts d’Europe (1 800 mètres), la plupart des établissements de montagne étant de préférence construits aux alentours de 1500 mètres (comme ceux de Davos ou de Leysin).

Au secours des orphelins de guerre

Sa construction est l’œuvre de la Fédération des Écoles Publiques qui voit le jour en 1915 pour venir au secours des orphelins de guerre. Pendant l’entre-deux-guerres, la Fédération se lance dans une grande croisade sanitaire en finançant la construction de nombreux bâtiments de cure (sanatoriums, préventoriums, aériums).

Rappelons que dans la dernière moitié du XIXe siècle, la tuberculose (ou phtisie) est l’un des fléaux sanitaires majeurs en France, avec l’alcoolisme et la syphilis. En 1920, elle est encore la cause de 85 000 décès sur le territoire.

Comme le rapporte le quotidien Le Temps, le 11 avril 1923, la construction du sanatorium « d’Odeillo » a été financée en partie par des mécènes comme Ernesta Stern, femme de lettres et philanthrope :

« […] La construction de l’établissement d’héliothérapie en altitude que la fédération [des pupilles de l’école publique] a entreprise pour la cure des tuberculoses chirurgicales à Odeillo est en voie d’achèvement et l’installation des services aura lieu dans les premiers mois de 1924. Cet établissement, unique en France, put être commencé grâce au don magnifique d’un million que fit Mme Louis Stern, et M. Charles Stern offrit 50.000 francs pour faciliter les premiers frais d’études. »
A la pointe de la technologie

Le sanatorium, achevé en 1924 est à la pointe de la technologie : un ascenseur suffisamment grand pour transporter des lits et trois monte-charges desservent ses trois étages. L’équipement sanitaire (réservoir d’eau, lavabos avec eau chaude et eau froide, salles de bains et douches) est complété par une salle de radiographie et une étuve à désinfection Scheurer-Kestner. Au sous-sol, on trouve les réserves de provision, une boulangerie, une buanderie, une lingerie, une chaufferie et des ateliers. L’établissement compte en outre des réfectoires, une salle de classe, une bibliothèque et une salle des fêtes avec cinéma.

Un long article paru dans Le Radical  le 8 février 1925, rend compte au nom de « l’Action démocratique et du Progrès social » (sous titre de cet organe de presse) :

Abrité contre les vents du Nord et de l’Est, orienté légèrement au Sud-Est. l’établissement, qui peut recevoir plus de 160 malades, comporte une série de petits dortoirs communiquant de plain-pied avec les galeries de cure.

Aménagé avec tout le confort moderne et muni de tous  les perfectionnements nécessaires aux soins des malades (salles d’examen, de plâtre, d’opérations, de rayons X, d’isolement, d’acclimatation, laboratoires, etc.), il est dirigé par un personnel médical compétent aidé d’un personnel Infirmier habitué à la technique de la cure solaire.

— Paul-Gabriel Martin, « Pour les écoliers malades », Le Radical,8/2/25, p. 2

La direction du sanatorium sera d’abord assurée par le docteur Carrive, puis confiée, dès 1926, au docteur Capelle qui l’assurera pendant une vingtaine d’année.

Depuis 1999, vingt sanatoriums ont reçu le label « Patrimoine du XXe siècle ». Si ce n’est malheureusement pas le cas de celui de Font-Romeu (seul le Grand Hôtel figure sur cette liste), ce bâtiment vaut le détour par le charme suranné qui se dégage de son architecture et le cadre forestier magnifique qui l’abrite.

Sources :

Aragon, Henri. Petites histoire des stations climatiques de la Cerdagne et des vallées du Tech et de la Têt, Cressé, EDR/Editions des Régionalismes, 2011 (rééd. 2017 et 2020).

Grandvoinnet, Philippe. Architecture thérapeutique : histoire des sanatoriums en France (1900-1945). Genève,  MétisPresses, 2014.

Laget, Pierre-Louis.  « L’invention du système des immeubles à gradins. Sa genèse à visée sanitaire avant sa diffusion mondiale dans la villégiature de montagne et de bord de mer », In Situ 24 (2014).

Le climatisme

Le climatisme

Le climatisme est l’ensemble des activités liées au traitement des maladies infectieuses, principalement et historiques la tuberculose, grâce aux  bienfaits du climat (air pur, ensoleillement) et accessoirement au repos, aux exercices physiques modérés et à une alimentation riche.

La géographie particulière de la Cerdagne (haut plateau d’altitude  cerné de hautes montagnes, parcouru de vents secs et de courants atmosphériques particuliers, et situé non loin de la méditerranée) la protège des perturbations atlantiques et des dépressions venues d’Espagne, des perturbations venues du nord (la Cerdagne jouit d’un climat et de températures sensiblement différents de ceux de la vallée du Capcir pourtant tout proche) ainsi que des courants marins qui remontent la vallée de la Têt en provenance du Roussillon.

Il en résulte un micro climat qui protège Font-Romeu et ses alentours des perturbations : la station profite d’un fort ensoleillement, d’un air pur et d’un climat très sec qui, liés à la haute altitude, favorisent l’absence d’allergènes et d’acariens.

Le climatisme s’est développé à Font-Romeu dès les années 1920-1930. Il prend deux formes : la lutte contre la tuberculose, marquée notamment par l’ouverture en 1924 du sanatorium de la Fédération des Écoles Publiques l’asthme suivi par celle de très nombreuses maisons d’enfants. Ce mouvement est favorisé par la croisade sanitaire de l’entre-deux-guerres et les mesures sociales adoptées sous le Front Populaire.

Les maisons d’enfants employaient un nombreux personnel médical spécialisé.

Pas moins de treize établissements sur la station prodiguaient leurs soins aux enfants. De plus, ceux-ci pouvaient suivre une scolarité complète au Collège et Lycée Climatique et Sportif de Font-Romeu. Ils résidaient donc à Font-Romeu tout le temps nécessaire à leur rééducation, parfois même de nombreux enfants se sont installés définitivement dans notre village, ont fondé des familles, trouvé du travail… Ces enfants étaient souvent accompagnés par leurs familles qui logeaient sur la station et participaient à la renommée de Font-Romeu au niveau national et même international (les enfants venaient du monde entier). D’où un apport de richesse économique mais surtout humain pour notre commune.

Les établissements de santé étaient les suivants : Bagatelle, le Balcon de Cerdagne (Fédération des Écoles Publiques), Castell Roc, le Chalet Saint-Georges, l’Espérance, le Home Catalan, Ker Anna, le Mas Catalan, le Nid Soleil, Nivôse, les Petits Lutins, le Poussinet et Via Sol.

 

Connaissez-vous le « Font-Romeu »?

Connaissez-vous le « Font-Romeu »?

Heureux le Romeufontain ou le visiteur en villégiature dans la station qui a pu savourer le « Font-Romeu », ce délicieux « gâteau de voyage » inventé il y a plus de 70 ans, fruit du savoir-faire de la maison Lacombe, fondée par Gabriel Lacombe, chef pâtissier du Grand Hôtel.

Depuis lors, ce fleuron de la gastronomie locale rappelle à nos yeux et à nos papilles l’âge d’or  de la station : enveloppé d’un bel emballage doré agrémenté d’un joli dessin, ce délice, dont la recette (secrète, comme il se doit) associe, de mémoire, fruits confits, génoise fondante et couverture d’amandes effilées, le tout sublimé par un alcool parfumé, était souvent offert comme viatique au visiteur qui quittait la station ou expédié à l’ami(e) ou à l’étudiant(e) exilé(e) « dans le nord » (forcément brumeux) pour l’aider à se souvenir de ses montagnes natales.

Et là, quelle merveille !

Dégusté à petites bouchées, le gâteau pouvait se conserver pendant des jours et des jours sans rien perdre de sa saveur.

Ainsi, de « gâteau de voyage » en « gâteau voyageur », la réputation de cette pâtisserie a eu tôt fait de dépasser les limites de la Cerdagne !

Ces quelques lignes témoignent de la reconnaissance émue de générations de gourmands.

A l’heure de la récréation, à l’école de Font-Romeu, vers 1944

À l’heure de la récréation, à l’école de Font-Romeu, vers 1944

« C’est l’heure, il faut rentrer les enfants, la récréation est finie ». Sur ces mots, Mademoiselle Vigué, la maîtresse de la « grande classe » referme rapidement la fenêtre pour que la salle de classe, chauffée par le gros poêle qui trône au milieu, ne se refroidisse pas. L’ordre n’a pas un effet immédiat car il faut qu’il arrive aux oreilles des élèves les plus éloignés qui viennent tout juste d’atteindre le bas de la pente, à hauteur de la maison Buscail. En effet, il a neigé quelques jours plus tôt et, comme à l’accoutumée, on a déjà consacré quelques récréations à damer la descente « de Calderer » (ou « de Manero ») en la gravissant en escaliers, les uns derrière les autres. Peu à peu, la pente s’est transformée en une belle piste que l’on dévale jusqu’au croisement de la route nationale. Là, on s’arrête comme on peut, les skis n’ayant pas de carres. Quelques jours plus tard, la neige a durci et c’est désormais en luge que la descente s’effectue.

 

La récréation est donc terminée : on remonte la pente en courant en tirant les luges derrière soi. Les maîtresses des deux classes sont d’une grande patience et d’une grande gentillesse. Mademoiselle Roussel sourit en voyant les petits émerger de l’igloo qu’ils ont élevé en contrebas de l’école. Les grands s’engouffrent à leur tour dans leur salle de classe après avoir abandonné leurs skis et leurs luges au rez-de-chaussée et avoir ôté la neige de leurs souliers en tapant du pied sur le sol du préau.

Difficile pour nos petits sauvageons d’imaginer une cour de récréation limitée par des murs ou des grilles. Ici, on est libre d’aller où l’on veut. Toutefois, personne n’abuse de ce privilège. En été, on s’élance dans la pente, sous les vieux sorbiers, jusqu’au « champ de l’école », un peu plus bas. Là, on pourra organiser une petite partie de football après avoir délimité les buts à l’aide de tricots posés sur le sol. D’autre fois, on pousse jusqu’à la cabane où se repose le gros cheval de M. Mensa et on escalade le gros rocher. D’autres fois encore, on grimpe dans un arbre où on a préalablement hissé quelques planches permettant de se reposer à bonne hauteur.

Au mois de juin, on s’aventure plus loin. Le feu de la Saint-Jean approche et il s’agit de récolter du bois sec et aussi un grand mât auquel on attachera les autres branches. Mais pas question de couper un arbre près de l’école : Estève, le garde-champêtre, veille et ses grosses moustaches effraient les enfants. On ira donc plus loin, sur le chemin de Superbolquère, où le larcin passera inaperçu.

Dans tous les cas, on se débrouille pour rentrer à temps et ne pas fâcher les bonnes maîtresses qui n’élèvent jamais la voix et ne risquent pas de tirer des oreilles qui parfois… le mériteraient quand même un peu.

La fontaine du Ginèbre

La fontaine du Ginebre

Depuis quand était-elle là ?

Peut-être avait elle, au printemps, fa molt temps, rafraîchi les paysans d’Odeillo et de Via lorsqu’ils menaient leurs troupeaux pâturer au-dessus de l’Ermitage, au Gallinera ou à la Calme ou lorsque, l’automne venu, ils aiguillonnaient leurs vaches tirant des charrettes chargées du bois qu’ils allaient stocker pour l’hiver ?

Ou peut-être avait-elle été aménagée plus tard, à la naissance de Font-Romeu, comme le fut la fontaine Boyer au-dessus de Farneils ?

À une trentaine de pas de la route et près de la façade est du  » Régina », on atteignait une petite plateforme ombragée par deux ou trois pins à crochets et bordée au nord par un muret de pierres sèches dans lequel était fiché un tuyau de plomb d’où s’écoulait sans cesse, été comme hiver, une eau limpide et fraîche qui allait remplir un petit bassin creusé dans un bloc de granit, avant de disparaître dans le sol où elle semblait se perdre.

À la fin de la guerre, de 1945 à 1950, l’heure n’était pas encore aux eaux conditionnées en bouteilles (certaines eaux dites « médicinales » étaient vendues en pharmacie), mais dans le voisinage de la source, les gens faisaient la différence : on trouvait « l’eau du Ginèbre » bien meilleure et elle trônait sur les tables des salles à manger de préférence à « l’eau du robinet »

Encore fallait-il aller la chercher et c’est là qu’intervenaient souvent les enfants à la sortie de l’école. Une petite file d’attente se créait donc tous les jours, à midi, devant la source et c’était une bonne occasion de se retrouver à nouveau et de partager rires et plaisanteries avant de remplir pichets, bouteilles ou brocs. La file grossissait en été, car les enfants des villas voisines venus à Font-Romeu, pour la durée des vacances scolaires, rejoignaient les enfants du pays pour cette « corvée » d’eau. C’était l’occasion de faire de nouvelles connaissances et de lier de nouvelles amitiés.

Lorsque un nouveau venu apparaissait, que l’on n’avait encore jamais vu, une plaisanterie classique était de lui faire croire, en espérant prendre sa place dans la file, que des crapauds sortaient parfois du tuyau, que des salamandres se tapissaient dans l’humidité du muret ou qu’une couleuvre venait souvent se réchauffer sur les rochers avoisinants. On espérait qu’en bon citadin il quitterait les lieux sur le champ, mais c’était souvent peine perdue.

Les enfants grandissant, c’était au tour de leurs cadets de prendre la suite et les choses auraient pu durer encore longtemps, mais un jour, à l’initiative de la Mairie, il fut décidé que l’on demanderait à des experts une analyse de l’eau.

Cette annonce ne provoqua d’abord aucune panique. Que viennent les experts et qu’allaient-ils découvrir ? Rien, sinon qu’il s’agissait là de l’eau la plus pure dont les vertus n’étaient plus à démontrer. Quelqu’un avait-il déjà été malade après avoir bu cet élixir ?

Aussi le temps passa sans que l’on change ses habitudes quand, consternation, on découvrit, un jour, devant la source, un piquet fiché en terre surmonté d’une pancarte où était écrit:

EAU NON POTABLE

Quelque temps après, la fontaine fut démolie et l’eau détournée vers le réseau des eaux usées.

Plus tard, on devait bâtir, près de la route, la nouvelle fontaine telle qu’on la connaît aujourd’hui et dont l’eau, provenant du réseau communal, est désormais POTABLE.

Le Couronnement de la Vierge en 1926

Le Couronnement de la Vierge en 1926

Le Couronnement de la Vierge, le 4 août 1926, en présence de 10 000 pèlerins, marque un date importante pour le sanctuaire et le culte marial.

A cette occasion, les fidèles du diocèse offrent deux couronnes (une pour la Vierge et une pour l’Enfant Jésus) en or massif serties de pierres précieuses, fabriquées par la Maison Velzy, à Perpignan. Une plaque commémorative placée sur le mur gauche de la chapelle rappelle l’événement.

Monseigneur Jules de Carsalade du Pont, évêque de Perpignan  joua lors de cette célébration un rôle spirituel et politique de premier plan.

« Dès l’achèvement de la guerre de 14-18, Monseigneur Carsalade renoue avec le double versant restaurateur de son action prosélyte, en s’occupant de marquer le territoire roussillonnais d’une empreinte religieuse et en ravivant ses antiques pèlerinages. En 1919, il voit avec bonheur s’installer une communauté cistercienne à Saint-Michel-de-Cuxa, et un groupe de religieux rendre vie au prieuré de Serrabone. En 1926, c’est au pèlerinage cerdan de la Vierge noire de Font-Romeu qu’il entend donner un lustre particulier. Il obtient du pape Pie XI le couronnement de la statue, et prévoit pour le 4 août d’impressionnantes fêtes qui doivent réunir les fidèles cerdans des deux côtés de la frontière, pour lesquelles il fait venir le cardinal Dubois, archevêque de Paris, et l’abbé Izart, devenu évêque de Bourges.

Mais la dictature de Primo de Rivera, et son représentant local, le général Despujol, gouverneur de la province de Gérone, ne l’entend pas ainsi, redoutant que le pèlerinage ne se transforme en meeting nationaliste ou en manifestation d’opposition au régime. La veille des festivités, Despujol fait fermer la frontière, bloquant du côté espagnol les pèlerins ainsi qu’une cobla (orchestre) chargée de l’animation musicale. Seules quelques personnalités isolées parviennent à rejoindre le sanctuaire, comme Francesc Matheu, le poète catholique Alexandre Brulart i Rialp, le directeur de la revue Paraula Cristian aCarles Cardó, et l’évêque d’Urgell Guittart. Comme toujours avec Carsalade, la religion et les lettres sont associées. Le lendemain des cérémonies religieuses, ont lieu une représentation de la pièce Un Amor de Pardal, du poète roussillonnais Joseph-Sébastien Pons, des démonstrations de sardana– cette danse devenue le marqueur de l’identité catalane au sud des Pyrénées. »

le lendemain, des Jeux Floraux en trois langues, français, espagnol et catalan, sont présidées par l’académicien Louis Bertrand.
Les floralies font  « revivre devant l’assemblée des pèlerins le vieux rêve d’une latinité catholique soudée face à la menace de la barbarie germanique,celui qu’ont caressé nombre de félibres et de régionalistes méridionaux depuis les années 1870«
Les passages en italiques sont extraits de l’article de Nicolas Berjoan,  « La Croix et le drapeau. Le catalanisme de Monseigneur de Carsalade du Pont, évêque de Perpignan(1900-1932) » poublié dans Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, Tome 121,N°267, 2009, pp. 385-406