En 1918 : Font-Romeu dans les pages de la Revue des Deux Mondes

Louis Bertrand, « Font-Romeù – Au pays des Notres-Dames », Revue des Deux Mondes, 6e période, tome 47, 1918 (p. 329-362)

Le titre de cet article, publié en 1918, sera repris dans l’un des chapitres de Font-Romeu, le livre que Louis Bertand publiera en 1931, chez Ernest Flammarion et qui porte en exergue les paroles du « Goigs de Notra Senyora de Font-Romeu » : Y esperit y cor los deixo posats en Font-Romeu (et l’esprit et le cœur, je les laisse à Font-Romeu).

En 1918, quelques semaines avant la fin du conflit mondial, un long article sur Font-Romeu paraissait dans la prestigieuse Revue des Deux Mondes. Signé de l’écrivain et essayiste Louis Bertrand, il compte quelques-uns des plus belles pages écrites à ce jour sur Font-Romeu et ses environs. Sous la plume élégante du futur académicien, la « petite Cerdagne » se pare de l’aura puissante d’une terre de confins et de « passages ». « Coin de terre privilégié immédiatement intelligible pour l’âme », elle se découvre tout à la fois austère « cuve granitique » gardée par de hiératiques sommets aux impassibles visages semblables à ceux des sphinx de l’Egypte antique et somptueux manteau tissé de prairies aux mille fleurs et serti de lacs et de « mouillères ». Étayée par la grande érudition de l’auteur, la description des hommes et des femmes vivant dans ces marches reculées rappelle la diversité des origines ethniques et la richesse des croisements culturels issus des vagues d’invasions successives (Maures, Goths et Francs).

Le récit historique se double d’une approche quasi-ethnographique pour évoquer les travaux et les jours de l’habitant de Haute Cerdagne, indifférent à « l’étranger » — notamment le touriste fortuné en villégiature dans une « station de montagne » à la mode « été comme hiver » comme le vantent les affiches publicitaires de l’époque. Par cette attention à l’autochtone, l’écrivain tient lui aussi à se démarquer de la clientèle de l’hôtel à la terrasse ornée de « torchères de bronze » et de « bordures de géraniums aux vermillons ardents » où il réside (sans nul doute le Grand Hôtel). C’est en amateur éclairé qu’il entend exprimer son attachement à cette contrée, mêlant références érudites et remarques montrant qu’il a éprouvé son pas sur les sentiers, exercé son œil sur la ligne des pics et son oreille aux accents « âpres et sonores » du parler et des chants catalans, comme ces goïgs dont il reprend volontiers quelques refrains.

De fait, la sensibilité poétique qui attache son regard au paysage pour en relever la palette (verte, noire, mauve, fauve, ferrugineuse et perle) et les particularismes géologiques ou climatiques confère à son récit une authenticité susceptible de toucher le lecteur encore aujourd’hui, d’autant si celui-ci est familier du lieu. On soulignera ainsi la curiosité de l’écrivain pour ces « d’énormes amoncellements de roches, visibles de tous les points de la vallée », qu’il compare à des « postes de vigie ». Ou encore pour ce phénomène qu’il nomme « brouillard » et qui s’apparente au flux et au reflux d’une immense mer de nuages, localement appelée « Marin » ou « Carcanet » selon qu’elle déferle en Cerdagne par la vallée de la Têt ou celle du Capcir. On sera également sensible à son plaidoyer en faveur d’un inventaire du patrimoine roman formé par les sanctuaires qui « pullulent » dans le paysage et le maintien de leur mobilier (retables, statuaire, tableaux) dans le lieu en vue de réaffirmer le lien entre les traditions religieuses de la population et le geste de l’artisan ou du bâtisseur médiéval.

Tout le propos de Louis Bertrand est en effet de souligner ces « continuités » qu’il perçoit entre la terre, la langue et les hommes de Cerdagne. C’est dans ce sens qu’il écarte rapidement les très belles mais fugaces impressions visuelles qui informent les premiers paragraphes de son texte pour se concentrer sur les éléments qui sous-tendent sa démonstration, notamment les « notre-dames » de son titre, au premier rang desquelles figure celle de l’Ermitage de Font-Romeu, la « dame du camaril »,  objet d’une éblouissante description. Car le but de l’auteur est bien de prouver que la Cerdagne est l’un de ces foyers où perdure la grande « unité latine catholique » susceptible de participer à la renaissance du pays tout entier, après la victoire sur l’Allemagne. Ainsi, s’il exalte la ferveur religieuse des Cerdans et leur attachement à leurs madones romanes, c’est aussi pour mettre en exergue les racines catholiques de la région et par-delà, de la nation, dans un geste où se mêlent piété et patriotisme. De ce point de vue, on ne sera pas surpris d’apprendre que Louis Bertrand était un proche ami de Jules de Carsalade du Pont, évêque de Perpignan et refondateur de la foi catholique dans le département des Pyrénées-Orientales, notamment à travers ces symboles forts que furent la reconstruction du monastère de Saint-Martin-du-Canigou à partir de 1902 et le soutien au pèlerinage de l’Ermitage de Font-Romeu dont le point d’orgue sera, en 1926, le couronnement de la Vierge de Font-Romeu.

L’article de Louis Bertrand est en accès libre dans le catalogue Gallica de la BNF à partir de ce lien : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32858360p/date

Louis Bertrand (1866-1941) est né en Lorraine. Normalien, docteur ès-lettres, académicien (1925), Chevalier de la Légion d’Honneur (1935), il est l’auteur de 15 romans, 16 ouvrages (récits de voyage, histoire, essais) et 2 recueils critiques. Passionné par l’Afrique latine ancienne. Grand admirateur de Flaubert. Le 4 août 1926, il préside les Floralies des fêtes du couronnement de la Vierge de Font-Romeu (obtenu du pape Pie XI par Monseigneur de Carsalade du Pont). Dans son discours, il réitère son attachement à « l’esprit latin » : « nous latins devons nous unir… nous opposer à la masse des peuples sans âme ».

En Cerdagne et en musique avec Déodat de Séverac

En Cerdagne et en musique avec Déodat de Séverac

Le cycle pour piano Cerdaňa imaginé par Déodat de Séverac en 1911 est le souvenir d’une équipée en Cerdagne. Comme les titres des divers morceaux qui le composent l’indiquent (voir ci-dessous), le musicien a voulu souligner le travail et la foi ardente des paysans de cette terre montagneuse. L’atmosphère du cycle est lumineuse et sensuelle. Elle plonge l’auditeur dans un tourbillon d’impressions pittoresques.

 

 « Déodat de Séverac prend appui sur l’assise inébranlable de la terre […] épaisseur substantielle de la vie » (Vladimir Jankélévitch La Présence lointaine, Albéniz, Séverac, Mompou, Seuil, Paris 1983.

Pour François-Michel Rignol, pianiste et professeur au conservatoire de Perpignan, qui a enregistré l’intégrale de l’œuvre pour piano du compositeur né dans le Lauragais et Cérétan d’adoption :

« Déodat de Séverac se nourrit de tout. Il a le sens de la grandeur et du tragique. Il aime faire la fête mais il est aussi un solitaire habité d’un sentiment mystique. Chaque œuvre révèle une facette particulière de ses perceptions. Il accueille le monde plus qu’il ne le crée ».

Nouvelle intégrale de l'œuvre pour piano de Déodat de Séverac « À ...

La suite Cerdaňa contient 5 pièces :

En Tartane (L’arrivée en Cerdagne) – Les fêtes (Souvenir de Puigerda) – Ménétrier et Glaneuses (Souvenirs d’un pèlerinage à Font-Romeu) – Les Muletiers devant le Christ de Llivia (Complainte) – Le retour des Muletiers

Écouter : « Ménétrier et Glaneuses (Souvenirs d’un pèlerinage à Font-Romeu) » par Jordi Maso

Sources :

Barou, Jean-Pierre. Matisse ou le miracle de Collioure. Indigène Éditions, 1997.

Bonnery, Serge. « Lumières de Séverac ». L’épervier incassableBlog.

Le musée sans murs

Le musée sans murs

Sur le sentier de la Vierge, qui relie Font-Romeu à la chapelle de l’Ermitage, a été aménagé un « musée à ciel ouvert ».

En effet, tout au long du chemin arboré ont été exposées des oeuvres d’art. On peut dire que le Musée Sans Murs est « le lieu de rencontre entre l’Art et la Nature ».

C’est l’occasion d’une petite balade dans la forêt, agrémentée par la vue d’une vingtaine de sculptures représentant chacune des intérêts différents.

Le cheval

C’est ainsi qu’elles symbolisent la spécificité de Font-Romeu : « le soleil et la glisse »; le sport avec l’hommage rendu au célèbre cavalier du département Jean Pierre JONQUERES D’ORIOLA et sa monture; la nature avec des représentations stylisées d’un aigle et d’un cheval, d’oiseaux survolant la mer, ou encore d’ours.

La glisse

l’Art au sens propre du terme n’est pas non plus oublié, avec la sculpture représentant « La Danse » de l’artiste Yvan ROGER.

La danse

Une oeuvre symbolisant un « castel » (pyramide humaine) rappelle l’identité catalane.

Enfin, les thèmes de la femme et de la maternité (qui siet si bien au sentier de la vierge) et de la « relation homme-femme » à travers un couple enlacé sont aussi présents.

Devant la chapelle de l’Ermitage, tout au bout du chemin, on pourra voir la sculpture « du pèlerin et de la porteuse d’eau » qui rappelle l’étymologie du nom de font-Romeu : « La fontaine du pèlerin ».

 

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Galerie d’images anciennes de Font-Romeu

Galerie d’images anciennes de Font-Romeu

Suivre le lien pour lire une vidéo de l’INA sur Font-Romeu en 1965 :

www.ina.fr/video/RBF01010141

Premières villas de Font-Romeu

 

 

 

 

 

Les Bouillouses et les pics Péric

 

 

 

 

 

L’hôtel Régina

 

 

 

 

Balade en traîneau

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La première « baraque » à la place du régina (petit restaurant pour les ouvriers du Grand-Hôtel qui était tenu par mon arrière grand-mère)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Premiers skieurs :

 

Route de l’ermitage :

 

 

 

 

 

débuts de l’avenue Joffre :

 

 

 

 

Ski à côté de l’Ermitage :

 

 

 

 

Champs à côté des premiers chalets

 

 

 

 

 

La prairie de l’ermitage

 

 

 

 

 

Villa Avenue Joffre :

 

 

 

 

 

Les débuts de l’avenue Jean Paul

 

 

 

 

 

Ski dans les champs de l’Avenue Joffre

 

 

 

 

Font-Romeu côté est

 

 

 

 

 

La maison de repos l’Espérance

 

 

 

 

 

L’Hôtel Bellevue Beau Site

 

 

 

 

 

Premières remontées :

 

 

 

 

 

Berges du lac des Bouillouses

 

 

 

 

 

Font-Romeu côté ouest  :

 

 

 

 

 

Le Calvaire

 

premières villas

 

 

 

 

 

Vue depuis l’avenue Joffre :

 

 

 

 

 

Ski avec vue sur le cambre d’Aze

 

 

 

 

 

La villa Saint Paul

 

 

 

 

 

Les débuts de la route des Bouillouses

 

 

 

 

 

Le déversoir du « trop plein » des Bouillouses

 

 

 

 

 

Aplec de l’Ermitage

 

 

 

 

Les Grands Chalets, anciens garages du Grand-Hôtel

 

 

 

 

 

 

Skieur au Péric

 

 

 

 

 

Village d’Egat et Tour de guet

 

 

 

 

 

Chaos de Targasonne

Les rencontres d’athlétisme en 1988 et 1989

Les rencontres d’athlétisme en 1988 et 1989

Petit rappel : c’est le colonel Marceau Crespin, connaissant bien la région, car il avait commandé la base d’Hélicoptères de Sainte Léocadie, qui, devenu directeur de cabinet de Maurice Herzog, Ministre des Sports, a « insisté » auprès de celui-ci pour que le site de Font-Romeu soit choisi, de préférence à celui de Tignes, pour la création d’un Centre National d’Entraînement en Altitude, ainsi que d’un Collège et Lycée Climatique et Sportif.

Le 12 décembre 1964, le Conseil des Ministres du Général de Gaulle (Président de la République à cette époque) décidait la construction du Centre et du Lycée. Les travaux débutèrent début mars 1966 et furent confiés à l’architecte Taillibert.

L’existence de ce formidable outil, conçu au début pour l’entraînement des athlètes en vue des J.O. de Mexico, éveilla chez certaines personnes le désir de pérenniser son utilisation. C’est ainsi que Maurice Girma, habitant de la commune et féru d’athlétisme (Président de « l’Association pour la Promotion des Meetings d’Athlétisme de Font-Romeu »), Robert Gras (entraîneur de la section sports études d’athlétisme) et le proviseur du Lycée Monsieur Bentosela, unirent leurs efforts pour que le C.N.E.A. soit le lieu de rencontre des meilleurs athlètes lors de meetings internationaux.

Ils contactèrent Robert Bobin, président de la FFA, et l’invitèrent sur le site pour attester de l’excellence des installations sportives. Robert Bobin décida alors l’organisation de deux rencontres d’athlétisme avec les meilleurs compétiteurs du moment lors des étés 1988 et 1989.

Lors de l’été 1988, l’élite des athlètes français fit le déplacement, à l’exemple de Pierre Camara de Montpellier qui remporta le triple saut (16,50 mètres, meilleure performance de l’année). Il garda un si bon souvenir de Font-Romeu qu’il y revint en vacances en hiver.

L’année suivante, le 27 juillet 1989, « le Meeting Marceau Crespin » réunit un « plateau » très relevé : Barré, Diagana, Canti… sur 400 m et un quatuor royal sur les 100 et 200m avec Sangouma, Marie-Rose, Trouabal ainsi que Morinière. Chez les dames, on notera la présence de Marie-Josée Pérec qui ne força pas son talent pour remporter le 200 mètres. Giquel passa la barre des 2,25 m au saut en hauteur. Le 100 m fut remporté par Marie-Rose (10’’21) devant Sangouma (10’’26), temps assez significatifs pour l’époque. Le sprinter Marie-Rose préparait ainsi de la meilleure des façons sa participation aux J.O. de Séoul qui devaient se dérouler deux mois plus tard.

Ces meeting furent un succès à en juger par la satisfaction du Ministre de la Jeunesse et des Sports de l’époque, Roger Bambuck, qui, lui-même, avait fréquenté le site en tant qu’athlète et était présent lors de la deuxième compétition. De plus, Colette BESSON, pressentie pour être la marraine des meetings, avait accepté avec joie. La construction de l’Espace Sportif de Font-Romeu a été décidée en l’honneur de Colette Besson, dont il porte depuis le nom.

 

 

Le Lycée Sportif

Le Lycée Sportif

Dans les années 1920, le Lycée n’existait pas encore, mais déjà les équipes nationales de bobsleigh et de luge venaient s’entraîner aux abords du Grand Hôtel. Font-Romeu a de tous temps attiré tous les sportifs, de haut niveau ou simples amateurs. Ceux-ci viennent dans la station pour profiter de son climat sec et ensoleillé et des bienfaits reconnus de son altitude pour les performances sportives. Ainsi, dans les années 1950, le marathonien Alain Mimoun (champion en 1956 aux jeux de Melbourne) et le nageur Jean Boiteux (champion en 1952 aux jeux d’Helsinki) fréquentent déjà le site.

Les Jeux Olympiques de Mexico doivent se dérouler en 1968 à une altitude de 2000 mètres. Pour optimiser la préparation des athlètes, les autorités de l’époque recherchent en France un site approprié : fort ensoleillement, air sec et altitude similaire. C’est ainsi, qu’en 1966, est décidée la création à Font-Romeu du Centre National d’Entraînement en Altitude Marceau Crespin, couplé au Lycée climatique et sportif Pierre de Coubertin.

 

La construction du centre a duré deux ans, de 1966 jusqu’à son ouverture en 1967. Elle a lieu  sur un terrain se trouvant dans la forêt bien au dessus du Grand Hôtel et est confiée par Maurice Herzog (Ministre des Sports de l’époque) à l’architecte Taillibert (concepteur du Parc des Princes et du Stade Olympique de Montréal).  De conception moderne, elle a nécessité 30 000 mètres cubes de béton et plus de 1000 ouvriers ont participé à sa réalisation.

C’est ainsi que la piscine, la patinoire et la première piste d’athlétisme d’Europe équipée en tartan,  voient le jour, dans des conditions parfois extrèmes  de basses températures (-20° Celsius en hiver). Ces efforts ne seront pas vains, puisque Colette Besson, qui s’est entraînée sur la toute nouvelle piste, obtiendra la médaille d’or du 400 m lors des jeux olympiques de Mexico. S’en suivront 42 médailles olympiques obtenues par des athlètes qui auront bénéficié de ces bonnes conditions d’entraînement. Entre autres athlètes et non des moindres, citons le nageur Russe Popov, les nageuses Françaises Laure Manaudou et Christine Caron, le patineur Philippe Candelloro, la marathonienne Paula Radcliffe, l’équipe de France de biathlon avec Martin Fourcade (double champion Olympique), l’équipe de France de pentathlon, l’équipe de France de rugby (qui est venue s’entraîner avant les mondiaux de 1999 et 2007) et surtout l’équipe de France de football d’Alain Giresse et Michel Platini avant le mondial d’Espagne en 1982.

La marathonienne Paula Radcliffe à l’entraînement sur la piste d’athlétisme

La particularité du site  de Font-Romeu est de faire coexister un centre d’entraînement pour sportifs de haut niveau (équipes internationales de natation, de lutte, de gymnastique, de patinage de vitesse, de fond et de demi-fond, d’escrime, d’athlétisme…) avec un Lycée accueillant depuis plus de 40 ans des sections sport-études de niveau national ainsi que des élèves asthmatiques venant se soigner en profitant du climat et de l’absence d’acariens. S’y ajoutent de nos jours les étudiants en STAPS et du CREPS de Montpellier.

 

Le Four Solaire d’Odeillo

Le Four Solaire d’Odeillo

Font-Romeu  jouit d’un très grand ensoleillement et d’un air d’une exceptionnelle pureté. Ces deux caractéristiques ont amené l’implantation à Odeillo d’un four solaire dont voici l’histoire en quelques lignes :

Le chimiste français Félix Trombe et son équipe ont réalisé à Meudon en 1946 une première expérience à l’aide d’un miroir de DCA pour montrer la possibilité d’atteindre de hautes températures très rapidement et dans un environnement très pur, grâce à la lumière du soleil fortement concentrée. L’objectif était de faire fondre du minerai et d’en extraire des matériaux très purs pour confectionner de nouveaux matériaux réfractaires plus performants.

Pour concrétiser cette filière et en tester les diverses possibilités, un premier four solaire fut construit à Mont-Louis en 1949. Quelques années après, sur le modèle du four de Mont-Louis et au vu des résultats obtenus, un four solaire de taille quasi industrielle fut construit à Odeillo. Les travaux de la construction du Grand Four Solaire d’Odeillo durèrent de 1962 à 1968 pour une mise en service en 1970.

Fervents partisans de l’énergie solaire et à la suite du premier choc pétrolier de 1973, durant la deuxième moitié des années 1970, les chercheurs du four solaire d’Odeillo orientèrent davantage leurs travaux vers la conversion de l’énergie solaire en électricité.
Ces travaux participèrent à l’étude d’une centrale solaire thermique qui sera réalisée par EDF en 1983. C’est la centrale THEMIS dont l’expérimentation dura de 1983 à 1986.
La fermeture aux expérimentations solaires de la Centrale Solaire Thémis entre 1987 et 2004 signifiait la mise en sommeil des recherches sur la conversion de l’énergie solaire en électricité. Le laboratoire du Grand Four Solaire d’Odeillo recentre son activité sur l’étude des matériaux et la mise au point de procédés industriels avec l’appui de Claude Dupuy de Crescenzo, devenant le laboratoire de l’IMP (Institut de Science et de Génie des Matériaux et Procédés).

Avec le retour des préoccupations énergétiques et environnementales, le laboratoire s’implique à nouveau dans la recherche de solutions concernant l’énergie et l’environnement, sans renier ses compétences uniques dans le domaine des matériaux et procédés. PROMES (Procédés Matériaux et Energie Solaire) – c’est le nom actuel du laboratoire – travaille aujourd’hui, en plus des recherches sur les matériaux, sur différents systèmes de production d’électricité, d’extraction de l’hydrogène par voie solaire et divers procédés de retraitements de déchets (y compris radioactifs).

Les hôtels de Font-Romeu Odeillo

Les Hôtels de Font-Romeu et Odeillo

Depuis le début du XXe siècle,  la commune de Font-Romeu-Odeillo-Via a compté plus d’une vingtaine d’établissements hôteliers

Au début de la station, dans les années 1910 et19 20,  la clientèle, issue de la bourgeoisie fortunée, est avant tout constituée d’épouses avec leurs enfants qui passent l’été à Font-Romeu pendant que les époux travaillent. En hiver, la station ne compte presque aucun client.

Au fil du temps, tandis que l’industrie du tourisme se développe, des résidences de tourisme voient le jour et les hôtels commencent à décliner (il n’en reste plus que 5 aujourd’hui).

Désormais, les locations se font essentiellement via des particuliers et les sites dédiés sur Internet.

Voici la liste de tous les hôtels de Font-Romeu et Odeillo depuis 1913.

Les premiers établissements hôteliers de Font-Romeu :

Le Grand Hôtel dont Fernand Bouyonnet fut le premier le Directeur.

Façade Grand Hôtel. Source Gallic

les Pabordes à l’Ermitage qui accueillaient les pèlerins. Devenu hôtel après la guerre, il fut exploité par François Vergés, puis Madame Gashard.

L’Hôtel Regina qui était tenu par la famille Reynes-Ribeil, puis par Messieurs Falgarettes et Albert Carrère.

En 1913, avant la construction l’hôtel proprement dit, s’élevait à cet endroit une « cantine » créée par mon arrière grand-mère Marguerite Ribeil. Si cette cantine était ouverte à tout le monde, elle était surtout fréquentée par les ouvriers chargés de la construction du Grand Hôtel.

L’Hôtel de la Poste, tenu par Madame Goare.

L’Hôtel-Villa Saint Paul avec la famille Jacoupy (Monsieur Jacoupy a aussi été Directeur du Syndicat d’Initiative après-guerre).

La fin d’un petit film d’une minute environ, tourné en 1927  et conservé dans les archives de l’Institut Jean Vigo, montre un groupe de jeunes gens devant la Villa Saint Paul à Font Romeu :

https://www.memoirefilmiquedusud.eu/idurl/1/1466

(le début du film montre des baigneurs à POrt Vendres et la citadelle de Mont-Louis).

L’Hôtel Pyrénées, 1930, propriétaire Monsieur Bouyonnet qui tenait aussi du palace parisien  L’Ambassador et fut Directeur du Grand Hôtel et maire de Font-Romeu.

L’Hôtel Cara Sol exploité par Monsieur et Madame Thomas.

L’Hôtel Bellevue construit par la famille Ricart qui possédait également aussi une cà travers toute la chaîne des Pyrénées (Lourdes, Gavarnie., etc.). L’hôtel a ensuite été tenu par la famille Puy-Capelle.

Le Castel Negro : bâti par un riche « bananier » barcelonais, Monsieur Doncel (qui a aussi financé l’église du Christ-Roi toute proche), l’établissement est ensuite devenu un hôtel sous la direction de Monsieur Freidig. Démoli récemment.

L’hôtel Le Patio Catalan, exploité par Monsieur Soubeyrand.

L’Hôtel Le Stella qui appartenait à la famille Goudin. Monsieur Goudin était  photographe et il a réalisé de nombreuses vues –photos et cartes postales — de Font-Romeu. Cet hôtel  était à la place de la résidence Le Yéti, près du Casino.

En face se trouvait l’Hôtel Le Soleil d’Or, propriété de la famille Touron.

L’Hôtel Le Bon Accueil (à l’emplacement de l’actuel Parking Borrel), à côté du Mas Catalan. Il a été tenu par Mademoiselle Aymeric, puis par la famille Vignaud. Après sa destruction, la famille Vignaud a tenu l’Hôtel Clair Soleil, situé un peu plus bas dans la station.

L’Hôtel Le Coq Hardi à Odeillo, (l’actuelle l’Auberge La Chouette). Il appartenait à la famille Comes, puis a été exploité par Monsieur Sageloly.

L’Hôtel Mir, situé au-dessus de l’église d’Odeillo. Il était tenu par Monsieur Carrère .

Au village d’Odeillo :

Les hôtels L’Oustalet (à Via) qui appartenait à la famille Rosell  et Le Romarin.

l’Hôtel Clair Soleil

l’Hôtel Le Cadran Solaire, rue du Balcon Sud.

L’Hôtel Y Sem Bé tenu par la famille Demelin , maire de Font-Romeu. Il a aussi également été tenu par Monsieur Freidig. L’établissement a également était une pension tenue par les Demoiselles Canard.

Les établissement les plus récents :

L’Hôtel Carlit a été tenu par la famille Fornés. Une annexe existait aussi à l’époque : l’Hôtel des Cîmes, devenu la Résidence Les Cimes, tenue par la famille Fornès et Madame Fornès-Bouscarle.

Le Sun Valley bâti par la famille Durban et qui fut tenu par Monsieur Mitjaville (aujourd’hui fermé).

L’Hôtel Le Grand Tetras, tenu par la famille Sarda.

L’hôtel L’Orée du Bois, tenu par Monsieur Pierre Olive.

 

 

Le Grand Hôtel de Font-Romeu

Le contexte et les figures pionnières

Édifice emblématique de la station, le Grand Hôtel a été édifié sur une idée d’Albert Lafargue, natif de Perpignan, professeur de mathématiques au lycée Condorcet (Paris), qui s’adjoint le concours du journaliste et homme politique  Emmanuel Brousse (1866-1926, conseiller général et député des Pyrénées-Orientales) pour lancer un palace (hôtel et casino) en altitude, à Font-Romeu.

Rôle de l’électrification de la ligne ferroviaire

Dans le même temps, la ligne ferroviaire du Train Jaune est électrifiée.

La mise en service d’un nouveau tronçon de ligne desservi par les trains électriques de la Compagnie des chemins de fer du Midi (la ligne Perpignan-Villefranche-de-Conflent date de 1895) est inaugurée les 28 et 29 juillet 1913. A cette occasion, une excursion est organisée au départ de Paris-Orsay le 27 juillet. Le lendemain, les voyageurs ayant embarqué à Villefranche arrivent à Odeillo à 12h.  Suivent un déjeuner déjeuner au Grand-Hôtel et une excursion automobile au lac des Bouillouses.

Font-Romeu est, par ailleurs, reconnue station climatique dès 1912.

Avant le Grand Hôtel : les « Chalets d’Odeillo »

Le Grand Hôtel n’est toutefois pas le premier bâtiment édifié à Font-Romeu. Dès 1903, des propriétaires aisés (industriels, horticulteurs, négociants, pharmacien, directeurs d’école) de Perpignan, Montpellier, Barcelone et Arcachon font bâtir des maisons individuelles (appelées les « Chalets d’Odeillo ») à l’architecture variée. En 1910, ils fondent un « Syndicat d’initiative des Chalets d’Odeillo » qui a pour vocation de faire connaître la nouvelle station climatique de Font-Romeu.

Voir article dédié sur ce blog :  Des Chalets d’Odeillo aux villas de l’entre-deux-guerres

C’est en effet à cette époque que débute l’engouement pour les sports de montagne, ainsi que le tourisme et la villégiature en altitude. C’est également celle des cures en altitude et de l’héliothérapie pour les malades souffrant de la tuberculose.

Voir, sur ce site, l’article dédié :  Climatisme et Architecture

La plupart des constructions témoignant des débuts de la station ont aujourd’hui disparu. Nous en donnons une liste non-exhaustive dans l’article « Des ‘Chalets’ d’Odeillo » aux villas de l’entre-deux-guerres ».

La construction du Grand Hôtel

Elle est confiée à Louis Trinquesse et Henri Martin, architectes à Paris. La construction est assurée par l’entreprise Badie de Perpignan.

La première pierre est posée le 28 août 1910.

Le bâtiment est mis en activité en juillet 1913. Une campagne d’affiches (rééditée par l’Office de Tourisme) assure la diffusion publicitaire.

Son premier directeur est Fernand Bouyonnet.

Le Grand Hôtel en un coup d’œil :

  • 150 mètres de long
  • 365 ouvertures alignées sur 7 niveaux
  • 200 chambres, dont 130 avec cabinet de toilette, eau chaude et froide, baignoire et WC
  • un vaste hall
  • salle à manger décorée par Auguste Guénot
  • salle des fêtes (1920)
  • casino
  • grande terrasse
  • parc boisé
  • jeu de croquet
  • courts de tennis
  • patinoire
  • piste de bob
  • golf
  • voitures de louage
  • garage et atelier de réparation
  • éclairage à l’électricité
  • chauffage à la vapeur basse pression
  • bureau de poste
  • poste de télégraphie sans fil (TSF), 1920

 

Font-Romeu, le Grand Hôtel, Alexis Croly-Labourdette. Collections stéréoscopiques de la CLEM. Source : Isodore. Vue de la façade ouest avec parterre et pièce d’eau.

Les façades et toitures, la cage d’escalier et ses éléments de décor, y compris les torchères de la terrasse figurent sur la liste des Monuments Historiques par arrêté du 30 mai 1988.

Grand Hôtel, poste TSF (1920), photo Marc Reynes

Soulignons encore une fois le rôle des transports dans la réussite de cette aventure commerciale :

  • En 1914, un rapide de luxe (le train 7005) reliant Paris-Austerlitz à Barcelone, met Paris à 13h de Perpignan. Voir horaires ici.
  • A l’été 1914, la Compagnie du Midi a prévu de lancer son nouveau « service automobile » de la « Route des Pyrénées » qui propose, à partir du 25 juin et pendant toute la saison d’été, une excursion de 6 jours en « auto-cars » Biarritz-Cerbère ou Cerbère-Biarritz avec une halte (dîner et coucher) à Font-Romeu.
  • La  Compagnie du Midi envisage également de proposer deux excursions hebdomadaire au départ de Font-Romeu : le lac des Bouillouses et les Gorges de l’Aude et Quillan.
Source Gallica

Toutefois, les plaisirs de ces excursions devrai être remis à plus tard :  à la  déclaration de guerre, le palace doit fermer ses portes.

Il ne les rouvrira que le 16 juin 1918.

Une réouverture en musique

Le 18 août 1918, un concert de charité au bénéfice des anciens soldats est organisé dans les salons du Grand Hôtel. On donne à cette occasion l’œuvre de Déodat de SéveracEn Cerdagne (voir l’article dédié, sur ce site) :

« Un splendide concert — le plus beau, certainement, qu’aient jamais entendu nos lointaines, Cerdagnes ! » — réunissait, il y a quelques jours, dans les salons du Grand Hôtel, autour d’une pléiade exceptionnelle d’artistes, la foule élégante et enthousiasmée de notre somptueuse station pyrénéenne. Profitant de son séjour à l’Ermitage, notre directeur Albert Bausil, avait eu l’excellente idée d’appeler auprès de lui, pour leur en faire goûter les charmes, ses amis Déodat de Séverac, Charpentier, de l’Opéra, et la grande pianiste Bianca Selva. Sitôt connue la présence de ce trio, la direction du Grand Hôtel demandait son concours pour une audition de bienfaisance, au bénéfice des rapatriés (d’Odeillo) et des œuvres patriotiques de guerre […].

Le programme indique la qualité de ce concert et des œuvres qu’on y interpréta. Ce que nous voudrions pouvoir traduire d’une façon particulière, c’est l’émotion suscitée par Blanca Selva, lorsqu’elle anima de sa puissante sensibilité évocatrice et de son magnifique talent les belles fresques musicales de Déodat de Séverac « En Cerdagne » dans le cadre qui les inspira. […]

Dans l’assistance, Prince de Bourbon-Bragance, comte Robert de Montesquiou-Ferensac, prince et princesse Amédée de Broglie, générale Roques et sa fille, failles Gès, Matry, Garré, de Barcelona, de Lacroix, Sicart, Vassal, de Perpinya… »

Le Coq catalan, 7/09/1918)

L’âge d’or du palace

Pendant l’entre-deux-guerres, une clientèle internationale d’aristocrates et de grands bourgeois se presse à Font-Romeu.

Cette clientèle très fortunée est servie par une foule d’employés (la liste compte 83 noms en 1931) dont certains fonderont par la suite leur propre entreprise ou commerce dans la station.

C’est l’âge d’or du Grand Hôtel.

Dans un article du Gaulois : littéraire et politique, on pouvait lire à la date du 18 janvier 1929 :

« […]

De l’hiver, qui y est presque toujours humide, Paris ne connaît guère que les désagréments.

Comme on comprend, dès lors, que les Parisiens qui en ont la liberté et les moyens aillent, entre le 15 décembre et le 15 février, demander aux Pyrénées et aux Alpes les saines joies de la vie sportive, dans la neige abondante et au froid vif. Font-Romeu et Superbagnères d’une part, le Mont-Revart, Villard-de-Lans, Méjève et Chamonix, d’autre part pour ne citer que les centres principaux se partagent ainsi une foule, chaque année plus nombreuse, de fervents du patin, du ski, du bob ou de la luge. Car c’est un plaisir de constater que nos stations d’hiver se sont organisées, petit à petit, il est vrai, sur le modèle des centres les plus réputés de la Suisse qu’elles parviennent maintenant à concurrencer victorieusement. Non seulement nos nationaux renoncent désormais à franchir la frontière pour aller faire des sports d’hiver, mais les Anglais, et les autres étrangers fréquentent de plus en plus nos montagnes. C’est un signe dont nous devons nous réjouir grandement. […]

Georges Droulily, « La Vie qui passe »,  Le Gaulois, 18/01/1929

Au plan architectural :

Si l’édifice frappe par sa monumentalité, il est également étonnant de légèreté et d’élégance, et semble naviguer, tel un paquebot transatlantique, sur le ciel et la forêt environnante. L’effet visuel produit est double : le bâtiment invite tout à la fois à l’enracinement et au voyage.

Par ses matériaux (tout le gros œuvre a été réalisé en granit et le toit est en llose), l’édifice s’ancre dans le sol et le savoir-faire des artisans de Cerdagne. On pourra aussi noter les tonalités vernaculaires de la façade (rappelant le rouge et le jaune du drapeau catalan).

On sera peut-être aussi sensible à la texture de la construction : à l’aspect rugueux du granit répondent la surface lisse des décors et  celle,  granuleuse,  des linteaux des fenêtres.

L’influence Art déco (1910-années 30) se lit tout particulièrement dans les formes simples et très lisibles, et les rythmes réguliers de la façade.

Façade Grand Hôtel. Source Gallica

Voir également la décoration des jardinières de la terrasse au décor de lignes et de petits carreaux bleus et celles  de l’ancienne patinoire :

Jardinière, ancienne patinoire du Grand Hôtel. Photo M. Reynes
Photo : M. Reynes

Ou encore le décor spiralé des lanternes d’angle:

Photo : Marc Reynes

Toutefois, on notera également les belles mosaïques Art nouveau (1886-1914) de la façade.

Autre détail remarquable : les magnifiques torchères de la terrasse sont inscrites sur la liste des Monuments Historiques (Arrêté du 30/05/1988)

Photo : M. Reynes

Détail amusant : le mascaron placé sur la clé d’arc de la porte principale, au milieu de la façade sud, est une chinoiserie surmontée d’un élément dorique:

Photo : M. Reynes

D’autres éléments plus antiquisants évoquent le style Beaux-Arts : voir les pilastres des balcons ou encore ces structures d’aspect néo-égyptien :

Photo : M. Reynes

En levant la tête, on observera aussi la ligne découpée de la corniche du toit de l’ancienne salle de restaurant : les angles saillants contrastent fortement avec les arrondis des baies et des balustrades.

Photo : M. Reynes
Photo : M. Reynes

L’œil est ainsi stimulé par des lignes qui semblent annoncer les Années Folles toutes proches, âge d’or  des rythmes syncopés des jazz bands qui accompagnait les bals donnés dans la salle des fêtes : musique, architecture, divertissements, tout concourt à rendre l’expérience du client de l’hôtel aussi agréable que ludique.

En se postant sur la pelouse qui borde le côté ouest de l’édifice, on observera enfin l’avancée sur la façade de l’ancienne salle restaurant avec ses trois grandes baies en plein cintre monumentales. Remarque : à cet endroit, on a ajouté postérieurement une piscine avec plongeoir, aujourd’hui remblayée.

Références bibliographiques :

« Tracé de la route des Pyrénées », L’Illustration, No. 3673, 19 Juillet 1913. Gutenberg.

Journal des transports, 37è année, no. 3, 17 janvier 1914, p. 28-30.  Source : Gallica, Bibliothèque nationale de France.

Le Coq catalan, 7 septembre 1918, p. 2 (cité dans Font-Romeu, Odeillo, Via… Fa Temps, opus cité, p. 73).

Georges Droulily, La « Vie qui passe », Le Gaulois : littéraire et politique, 18/01/1929. En ligne sur Gallica, Bibliothèque nationale de France.

Thierry Lochard et Isabelle Pagniez, « L’architecture privée à Perpignan, 1900-0950 : de l’esthétique Beaux-Arts au pittoresque moderne », In Situ 6 / 2005. En ligne.

Jean-Marie Rosenstein, Font-Romeu, Odeillo, Via… Fa Temps, Centre d’études catalanes, Université de Perpignan, Terra Nostra, 2009. ISSN 1243-2032.

Jean-Louis Demelin, « De 1900 à 2000, comment un petit village de Haute Cerdagne est devenue l’une des plus grandes stations des Pyrénées », 20 juin 2012. En ligne.

Jean-Marie Rosenstein, conférence, « Les Années Folles au Grand Hôtel », Journées Art Déco de FOnt-Romeu, 27-28 jullet 2018.

Conférence " Les Années Folles au Grand Hôtel " par Jean-Marie Rosenstein

Des « chalets d’Odeillo » aux villas de l’entre-deux-guerres

Les Chalets d’Odeillo

(aussi appelés « les Jardins de Font-Romeu » ou les « chalets de la Garden City »)

Dès 1903, des propriétaires aisés (industriels, horticulteurs, négociants, pharmacien, directeurs d’école) de Perpignan, Montpellier, Barcelone et Arcachon font bâtir des maisons individuelles (appelés les Chalets d’Odeillo) à l’architecture variée.

En 1910, ils fondent un « Syndicat d’initiative des Chalets d’Odeillo »* qui a pour vocation de faire connaître la nouvelle station climatique de Font-Romeu (1912).

Les chalets servent en premier lieu de résidence de villégiature pendant les mois d’été.

* La liste des membres actifs du syndicat pour les années 1909, 1910, 1911, 1912 et 1913 est reprise dans la publication du Centre de Recerques des Estudies Catalans, Font-Romeu, Odeillo, Via… fa temps (auteur Jean-Marie Rosenstein), Terra Nostra, 2009, p. 58-59.

Parmi les premiers chalets se trouvent notamment :

  • « La Jassette » et « L’Epirose » (propriétaire Jacques Calvet, maire de Font-Romeu de 1902 à 1912, date de construction 1903)  bâtis à l’emplacement de l’actuel supermarché ;
  • « Sainte-Lucie » (propriétaire Jean Bartre, 1904) ;
  • « Les Pins » (propriétaire Barthélémy Mercader) ;
  • « Le Labrador » (propriétaire Antoine Dumayne, pharmacien, résidant à Perpignan) ;
  • « Perce-Neige » (propriétaire Henri Sicart, architecte) ;
  • « Buena Vista » (propriétaire Octave Lencante, résidant à Mollet de Vallès, près de Barcelone, architecte Henri Sicart, 1907) ;
  • « Sans Souci » (propriétaire Jules Garré, résidant près de Barcelone)
  • « Les Marmots » (propriétaire André Leboeuf, résidant lui aussi près de Barcelone. Cette maison fut acquise par les Schwebel en 1919).
  • (Ces deux chalets existent toujours).
  • « Reynes », plus tard transformé en école publique. Cet édifice est toujours visible. Il est situé au-dessus de l’Office du Tourisme ;
  • « Stella »
  • « L’Aiglon »
  • « Le Saint-Hubert »
  • (Ces trois chalets se situaient dans l’actuelle rue principale)

Le Grand Hôtel

Lire l’article dédié ici

Vues du Grand Hôtel depuis le tournant de la Chaumière

  • Image
    Au centre de l’image : le champ de l’école. Le bâtiment au premier plan a été construit pour loger les ouvriers du Grand Hôtel. Il est tenu par Marguerite Ribeil-Reynes qui fera plus tard construire l’Hôtel Regina au même endroit

La Villa Saint-Paul

  • Villa Saint-Paul : ce très beau bâtiment, qui a fait l’objet de nombreux remaniements, associe Art nouveau (structures métalliques, courbure du toit du fronton) et Art déco (notamment ouvertures du haut). En 1926, elle abrite une pension de famille-hôtel. Toutefois, sa construction est antérieure comme en témoigne une carte postale datée de 1915 sur laquelle on aperçoit l’édifice. Noter la chapelle, qui a servi d’église au village pendant quelque temps (avant la construction de l’église de Font-Romeu). C’est très probablement à la Villa Saint-Paul qu’eut lieu, en août 1932,  le « Congrès de Font-Romeu » qui allait donner naissance à la célèbre revue Esprit.

Construite sur les plans de l’architecte Henri Sicart, la Villa Saint-Paul est la propriété de Madame Jacoupy. Une annonce datée de 1928 la décrit ainsi:

« Hôtel de tout premier ordre, ouvert toute l’année, la Villa Saint-Paul, que dirige Madame Jacoupy, se trouve à proximité du Grand Hôtel, de l’Ermitage et de la Chapelle Rustique dédiée à Notre-Dame de Font-Romeu. Entièrement remis à neuf, cet hôtel comporte 80 chambres merveilleusement embellies, avec balcons et galeries particulières, des chambres avec salles de bains. Patout l’eau courante chaude et froide, ainsi que le chauffage central. Une chapelle privée et un Institut Secondaire sont attachés à la maison et des cours d’enseignement secondaires y sont donnés par des professeurs licenciés ».

Sur la carte postale ci-dessous, on distingue entre autres :

  • au premier plan, en bas, à droite : le magasin de « Fruits, Légumes, Primeurs » et le poste de gendarmerie (16 juillet 1929).
  • la Villa Saint-Paul. En contrebas, la petite  la maison du gardien (« Le Petit Coloma ») de la villa des Gracy visible dans l’alignement des poteaux du premier plan. Derrière la villa des Gracy, la villa « La Tierruca ».

Les villas de l’entre-deux-guerres

Ces résidences secondaires s’adressent à une clientèle bourgeoise qui cherche à faire la démonstration de son aisance financière par le recours à un style architectural marqué, parfois confié à un architecte de renom (notamment Edouard Mas Chancel, Henri Sicart ou, plus tard, Ferid Muchir)

La vie de ces maisons est centrée sur la famille et les activités domestiques. Leur architecture  dénote également une ouverture à la nature et à une existence saine : emploi de matériaux vernaculaires organiques comme le bois, la pierre de llose pour les toitures et le granit. Les jardins, souvent plantés de chardons bleus, de marguerites jaunes  et de sorbiers, établissent le  lien avec la nature environnante.

Parmi les réalisations les plus marquantes de cette période, on pourra notamment admirer :

La Villa Fondeville, avenue d’Espagne :

Noter la parfaite symétrie de la façade en granit ornée d’un grand bow window avec baie en demi-cintre de belles proportions. La tonalité de la façade est donnée par le rouge des volets en accordéon. Le pignon triangulaire ajoute de la verticalité à l’ensemble La balustrade au-dessus de la route est un ajout des années 50-60.

En remontant la rue des Écureuils : Villa Las Torres

Il est intéressant de rappeler que le terme « torre » (qui désigne ici les tourelles néo-médiévales) est utilisé pour décrire une résidence de villégiature, en Catalogne, au début du siècle (c’est l’équivalent de la maison de campagne, du landhaus allemand ou du cottage anglais).

Cette curiosité architecturale ne manque pas de séduire avec ses tourelles, sa marquise en llose, ses toits à pans verticaux et ses proportions très « cozy ».

Villa Las Torres, photo Marc Reynes

Remarquer aussi la jolie girouette :

Détail Villa Las Roccas, photo Marc Reynes

Juste à côté, sur la droite, la Villa Las Rocas (1930), rue des Écureuils.

Belle fenêtre hublot ornée d’un motif en ferronnerie, porte arrondie typique du style régionaliste avec élégantes ferronneries, girouette. Ici aussi, remarquable toiture en llose.

Détail Villa Las Roccas, photo Marc Reynes
On notera aussi les piliers en granit recouverts d’un petit toit en pierre de llose  qui n’est pas sans rappeler les clôtures traditionnelles des champs cerdans.
Détail Villa Las Roccas, photo Marc Reynes

Le jardin se fond harmonieusement dans la nature toute proche.

En poursuivant en direction du village d’Egat par la rue de la Tour des Maures, on pourra aussi admirer « Les Trois Chalets », belles réalisations des années 20, dotée chacune d’un cachet et d’un charme particulier.

L’Ancienne Gendarmerie, avenue d’Espagne

Construite en remplacement du poste de gendarmerie pour abriter la brigade territoriale de Font-Romeu.

Entrée de l’ancienne gendarmerie, photo Marc Reynes

A noter le portail d’entrée de style régionaliste néo-médiéval et la tour à toit conique qui associe pittoresque et fonctionnalisme (cette tour abritait des bureaux fort bien éclairés par la lumière naturelle). Le linteau de granit porte une inscription qui indique la fonction du bâtiment (« Gendarmerie Nationale »).

Les ouvertures qui donnent sur la cour au rez-de-chaussée sont celles des anciennes geôles.

On remarquera aussi les trous de ventilation fermés par des briques perforées servant à l’aération des greniers.

Ce bâtiment s’inscrit dans le style régionaliste de l’architecte perpignanais Edouard Mas Chancel, fervent partisan de l’emploi de matériaux régionaux (granit, brique, fer forgé, llose) qui enracinent la construction dans le sol et la culture catalane.

Au cœur de la station, dans la rue Maillol :

La Maison Cauchois :

Style régionaliste résolument marqué pour ce bel édifice. Noter la baie et la porte d’inspiration romane du rez-de-chaussée et leur encadrement en granit, l’organisation tripartite verticale et horizontale de la façade avec ses fenêtres géminées au premier étage surlignées par les trois ouvertures rectangulaires du second étage, les deux oculi et les magnifiques corbeaux en bois travaillé qui supportent l’avant-toit et se prolongent sur la façade voisine :

A côté, sur la gauche, le Patio Catalan et sa grande verrière-cage d’escalier. Remarquer également l’élément en ferronnerie au-dessus du toit.

Remarque : à bien des égards, l’architecture de ces maisons rappelle aussi les expérimentations du noucentisme (1911-31) catalan et sa recherche d’ordre, de symétrie et d’harmonie.

Villa La Tourelle (dont le premier propriétaire fut François Vassal, notaire à Perpignan), rue Henri Allard :

La Tourelle, avenue Dumayne : photo M. Reynes

La Tourelle, avenue Dumayne : photo M. Reynes

L’édifice, de structure en béton,  comporte une remarquable toiture à pans coupés. La tour ronde crénelée coiffée en poivrière, d’inspiration néo-médiévale, est ponctuée d’ouvertures à compositions géométriques.

En descendant la rue Allard, on pourra s’arrêter devant la Villa Cap Cerdan, édifiée par l’ingénieur et entrepreneur de travaux public Henri Allard (1894-1969), l’un des artisans de l’essor des sports d’hiver à Font-Romeu, sise dans la rue éponyme.

L’architecture de cette maison revisite le poncif  de la chaumière par l’emploi d’éléments typiques de la modernité :  belles jardinières art déco de la façade sud, bow window donnant sur l’arrière du jardin,  oculus, élégante pente des toits.

Les clôtures et garde-corps en faux-bois ciment sont un exemple du savoir-faire des artisans spécialisés dans le rusticage introduite en France par les ouvriers italiens. Très en vogue à la fin du XIXè siècle, cette technique confère un cachet exotique et romantique à la maison qui s’avance sur son promontoire, telle une vigie, pour dominer le plateau cerdan. On remarquera également le petit belvédère de l’autre côté de la route et le salon de jardin en ciment enchâssé dans le talus, directement derrière la clôture, sur l’avant de la maison. L’édifice est ceint d’un vaste parc où se côtoient harmonieusement blocs de granit et rocailles.

Cap Cerdan clôture en faux-bois. Photo M. Reynes

Plus haut, au 4 de l’avenue Dumayne, on s’arrêtera devant la grille du portail de la Villa Sainte Marie (construite ultérieurement), qui présente un bel exemple de travail de ferronnerie :

Villa Saint Marie, grille d’entrée, photo Marc Reynes

Enfin, au cœur de la station, au-dessus de l’Office du Tourisme, notons l’existence de la Villa Reynes (plus tard transformée en école publique et désormais connue sous le nom de « l’Ancienne École ») et sa belle architecture régionaliste moderniste d’inspiration romano-catalane.

A noter : les lignes très épurées des corbeaux du toit et des consoles du balcon à garde-corps en fer forgé, le grand  bow window à pans coupés évoquant le chevet d’une chapelle romane, la belle baie vitrée en trois parties, le fronton à toit coupé, la colonne d’angle typique des années 30 en haut de l’escalier. La structure en béton disparaît sous la pierre de granit ponctuée d’éléments en brique. L’ensemble dégage un effet de robustesse non dénuée d’élégance :


Villa Reynes, corbeaux au-dessus de l’entrée, photo Marc Reynes
Villa Reynes, entrée, photo Marc Reynes

Un autre édifice illustre brillamment les expérimentations du modernisme catalan : il s’agit de la gloriette de la Villa Thatos (aujourd’hui disparue) avec son toit de mosaïques bariolées. Cet édifice n’est pas accessible au public :

Gloriette de la Villa Thatos, photo Marc Reynes
Gloriette de la Villa Thatos, photo Marc Reynes

Intérieur du toit de la gloriette de la Villa Thatos, photo Marc Reynes

L’église du Christ-Roi 

La statue du Christ Roi (hauteur 7,30 m, 1954, marbre blanc de Carrare) a été réalisée par un artiste barcelonais Emilio Colom sur une commande de M. Doncel (barcelonais, Castel Negro). C’est une réplique du Christ Rédempteur du Corcovado, à Rio, réalisé dans les années 20 par Paul Landowski.

Lire l’article dédié ici

On observe les lignes droites et régulières typiques de l’Art déco, le jeu des verticales et des horizontales, l’absence d’ornementation, de courbes ou d’arabesques (caractéristiques de l’Art nouveau),  la surface et la texture lisses et douces, et de manière plus générale l’apparence très épurée, voire schématique et idéalisante. L’œuvre invite au calme et à la spiritualité.

L’église en béton et verre, avec ces colonnes de soubassement apparentes, est très proche de l’esthétique « brutaliste » des années 50-70. Noter par contraste la douceur des courbes du toit. Cette architecture se marrie parfaitement avec le style Art déco de la statue.

Autres exemples de réalisation architecturales intéressantes dans Font-

  • Hôtel Régina (années 30) : construit à l’emplacement du chalet-baraquement construit pour loger les ouvriers de l’entreprise Allard, il est tenu par Marguerite Ribeill-Reynes qui fera construire au même endroit l’actuel Hôtel Regina.  Noter notamment l’originale rambarde « style paquebot ».
  • Hôtel Pyrénées : structure en béton et parement de granit pour ce bel édifice de 1930, de style « chalet international »
  • A côté : la Villa Hélios : observer le rythme des ouvertures et le verre soufflé des fenêtres. L’escalier métallique à gauche de la maison mène à une propriété privée, merci de ne pas l’emprunter.
  • Au 100 avenue Maréchal Joffre : une villa construite pour M. Gracy avec loggia italianisante, oculus, baies géométriques et balcons à balustres.  De cette villa dépendait également une construction plus modeste mais de belle facture, « Le Petit Coloma » (aujourd’hui disparue) qui servait de maison de gardien.
Villa Gracy, avenue Maréchal Joffre

  • Villa La Tierruca avec sa remarquable toiture à pans coupés :

  • Chalet 1700 (porte de style régionaliste, bow window et corbeaux, belle façade et structure entièrement en granit) :
Chalet 1700, photo Marc Reynes

(Remerciements à Philippe Latger, président de Perpignan Art Déco pour les indications fournies lors de sa visite guidée).

La fin des années 30 :

Le Casino :

Construit sur des plans dressés le 19 juillet 1936 par l’architecte perpignanais Edouard Mas Chancel, tête de file du modernisme régionaliste.

Casino de font-Romeu. Photo : Creative Commons

Dans un article du quotidien L’Indépendant (décembre 1938), on pouvait lire:

« … [la] ligne [est] grandiose mais simple. Les matériaux du pays y prennent une large place : de magnifiques blocs de granit bleu, taillés à la masse et au poinçon, posés en arc de plein cintre, ou arcs surbaissés, donnent au bâtiment une allure imposante, massive et solide »

L’édifice compte alors 2 terrasses plein sud. Deux échauguettes en brique crénelées flanquent les angles du bâtiment.

Il est bâti avec des matériaux vernaculaires, grâce au savoir-faire des artisans locaux (ce trait est aussi la « marque de fabrique » de mas Chancel):

  • ardoises gris-bleu de Vallcebollère
  • brique rouge de Concellabra (Sainte Léocadie)
  • granit bleu d’Egat
  • marbre blanc des cheminées du Cambre d’Aze